Interview : Doriand, un homme de parole(s)

En cette fin janvier, Doriand retient son souffle : son cinquième album, Portraits, est dans les bacs. Le concept ? Original. Audacieux. Car Doriand interprète les chansons qu’il a écrites pour les autres (Sylvie Vartan, Michel Polnareff, Julien Doré, liste non close…) et invite ses amis interprètes à reprendre ses propres morceaux, ceux que lui seul, à ce jour, avait interprétés.  Pari réussi : Philippe Katerine, Keren Ann, Lio, Mika, Peter Von Poehl, Brigitte, Helena Noguerra et Edith Fambuena défilent derrière le micro. Portraits, c’est l’aboutissement de vingt ans de projets artistiques, parfum pop culture.  

Une semaine avant Noël, journée de promotion. Doriand fait le job. Il me retrouve dans le salon d’un hôtel, à proximité de Pigalle. C’est l’occasion d’échanger sur Portraits, sa collaboration avec Alain Bashung, son admiration pour Lio, son âme d’artiste et plus encore… 

Doriand Portraits

Portraits, ton cinquième album, sort huit ans après le précédent, Lieu-Dit. Huit ans, c’est long ! 

J’ai deux façons de faire de la musique… Il y a la musique que je fais pour moi et celle que je fais pour les autres. J’aime m’engager. Et les collaborations dans lesquelles je m’engage en tant qu’auteur prennent parfois un peu plus de temps que je ne l’avais imaginé… Avec Michel Polnareff, ça m’a pris un an et demi… Sans compter que parfois, mon engagement va au-delà de l’écriture des chansons. C’est le cas avec Mika, avec qui je travaille.
À l’arrivée, cette succession d’engagements ne me laisse pas toujours l’espace et le temps nécessaire à la réalisation de mes propres disques. Jusqu’au moment où l’envie refait surface, de façon assez foudroyante. C’est comme un boomerang qui me revient. C’était le cas il y a deux ans, quand j’ai commencé une nouvelle vie personnelle. Soudain, je sens cette urgence et je l’intègre dans ma manière de vivre et de travailler avec les autres. Il me faut trouver le temps. Non pas que je mette mes collaborations de côté, mais j’aménage mon emploi du temps pour répondre à ce besoin plus personnel sans lequel j’aurais du mal à écrire pour les autres. Je sens bien que j’ai besoin de repasser par un projet personnel, de raconter mes chansons moi-même.


Dans Portraits, tu chantes les chansons que tu as écrites pour les autres, et les autres chantent tes propres chansons. Comment est né ce concept ?

L’idée vient de Sylvain Taillet. Sylvain est le directeur artistique de Barclay depuis plus de 20 ans. Et depuis 20 ans, il me connait. Il y a trois ans, il m’a dit : « Il faut vraiment que tu fasses un album où on comprend que, depuis 20 ans, tu écris des chansons pour les autres, des chansons qui sont plutôt connues, mais que tu fais aussi des disques pour toi, moins connus. Il faudrait échanger les rôles. Toi, tu chantes les chansons connues que tu as écrites et les gens connus chanteront tes chansons à toi, pas connues. » Il m’a présenté ça comme un jeu auquel il fallait se prêter. On peut même parler de pari amical destiné à réunir les gens que j’aime. Aujourd’hui, je ne suis pas une priorité en tant qu’interprète. Je n’ai pas l’aura suffisante pour attirer tout un tas d’artistes et les faire chanter sur mes disques. Donc ceux qui participent à ce projet sont avant tout des amis.


Tous les artistes que tu souhaitais voir sur l’album ont répondu présent ? 

J’ai eu les meilleurs. Un ou deux ont refusé pour différentes raisons, mais finalement, je m’aperçois que les gens que j’aime le plus sont là.

Doriand

Crédit : Xavier Bellanger

Qui aurais-tu aimé avoir ? 

Peut-être Camélia Jordana. Julien Doré aussi : ça aurait été amusant de travailler de nouveau avec lui. Pauline Croze voulait participer mais elle m’a répondu trop tard, le disque était terminé. Il faudrait qu’il y ait un second volume car il y a plein de chansons qui mériteraient de figurer dans ce disque pour y être ré-interprétées et qui n’y sont pas.


Qu’aurais-tu fait chanter à Julien Doré ? 

La radio signale. Je pense que c’est un titre important de mon deuxième album (Sommets Trompeurs, 1999). Il est sombre mais dégage malgré tout une forme de lyrisme et de mélancolie qui ne plombe pas, qui emporte. Je pense que ça aurait pu correspondre à Julien.


Comment as-tu choisi les chansons ? 

J’ai choisi celles que je voulais reprendre. J’ai fait un mélange entre quelques chansons connues comme Elle me dit (Mika), Toutes les femmes de ta vie (L5) ou Non non non (Camélia Jordana) et d’autres moins connues. Pas si facile à oublier est une chanson importante pour moi. Elle est sur l’album Soleil bleu (2010) que Keren Ann et moi avions écrit, composé et réalisé pour Sylvie Vartan. J’avais envie de la chanter, tout comme Nos âmes à l’abri. C’est une chanson clé et importante pour Alain Bashung ; je sais qu’il l’aimait beaucoup. J’ai travaillé avec lui il y a un peu plus de 10 ans. Je me rappelle que pendant un an, je le retrouvais chaque semaine, souvent dans sa cuisine, pour écrire des chansons qui sont finalement sorties en 2018 sur l’album posthume, En amont. Dans ses maquettes, il avait renommé Nos âmes à l’abri. Il l’avait rebaptisée Lennon, en référence à John Lennon. Pour lui, cette chanson s’inscrivait parmi ces titres de Lennon qui, comme Imagine, parlent de la condition humaine, rassurent.


Nos âmes à l’abri
parle de la mort… 

On y parle de la mort mais sous une forme assez christique, très rassurante. C’est-à-dire qu’on cherche la sécurité et on finit par la trouver.


Quel est ton rapport à la mort ? 

C’est un sujet un peu vaste… Je n’ai pas de rapport particulier à la mort.
Je sais que c’est très compliqué d’en parler sans être plombant et à mon sens, c’est pour ça que cette chanson, Nos âmes à l’abri, est réussie. En dehors de l’interprétation magistrale d’Alain Bashung, elle a quelque chose qui rassure alors qu’elle parle d’un sujet inquiétant. Donc mon rapport à la mort n’est pas quelque chose de définitif, de déprimant ou d’inquiétant. J’y vois comme une continuité, quelque chose de rassurant. 


Nos âmes à l’abri
figure sur l’album posthume, En Amont, avec La Mariée des roseaux. Mais initialement, ces deux titres devaient être sur l’album Bleu pétrole (2009) d’Alain Bashung. Quelle a été ta réaction lorsque tu as su qu’elles avaient été écartées du projet ?

J’étais évidemment déçu. Mais c’était une période compliquée pour Alain. Je sais qu’indépendamment des chansons elles-mêmes, il n’avait pas aimé les productions qui avaient été faites à l’époque. Il aimait les textes et la musique. Mais la réalisation des morceaux ne lui avait pas convenu. Donc les chansons ont été mises de côté. Mais ayant vu à quel point il aimait ces titres, je me suis dit que ça valait le coup, dix ans plus tard, de les faire réarranger par quelqu’un qu’il admirait et pour qui il avait un grand respect, en l’occurrence Édith Fambuena. D’ailleurs, Édith chante sur mon album. 


Si Bashung était encore parmi nous, aurait-il eu sa place dans Portraits ? 

Oh oui ! C’est quelqu’un qui pouvait se projeter dans l’inattendu. Il suffit de regarder ses choix au cinéma : il a toujours fait des comédies. Je l’aurais invité. Évidemment.


Quelle chanson lui aurais-tu proposée ? 

Peut-être une chanson de l’album Sommets trompeurs : Le temps perdu ou Les Sommets trompeurs

Doriand Katerine Mika

Philippe Katerine, Doriand et Mika. Source : compte instagram @doriand_officiel

 

D’ailleurs, comment s’est opéré le choix des chansons pour tes invités ? 

J’avais fait une pré-sélection de certaines chansons… Mais il faudrait un volume 2 !
Lorsque Philippe Katerine est arrivé en studio pour chanter Ici, une chanson qu’il avait adorée, il a demandé « Mais pourquoi personne ne fait Papapa ? Quel dommage ! » Il aurait aimé la chanter également. Les artistes avaient leur petit coup de cœur.
Je trouvais symbolique que Mika reprenne Au diable le Paradis, la première chanson que j’ai sortie en 1996. Le clip est coloré, très « Mika-Attitude ».

 

Ici renvoie aux origines de Philippe Katerine…

Oui. C’est un provincial comme moi, on vient de familles modestes. Je pense que nos enfants ont des couleurs assez similaires. Lors de l’enregistrement, l’émotion l’a submergé. Je pense que certaines images dans la chanson, comme les volets fermés de la maison et les parents l’ont touché. Ça lui a parlé… J’aime quand Philippe Katerine est comme ça. J’aime cette tendresse qu’il peut mettre dans ses chansons, comme dans Bonhommes, sur son dernier album Confessions (2019) que j’adore. C’est un côté « sans-filtre » qu’il a, même avec l’émotion dans des morceaux premier degré. 


En arrivant à Paris, tu as eu du mal à assumer tes origines…

Oui, au tout début. Quand on arrive à Paris, on est complexé d’être un provincial parce que Paris est toujours un peu dure avec les non-Parisiens. Mais avec le temps, on s’aperçoit que les efforts déployés pour rester, travailler et se construire une vie à Paris, ça enracine, ça valorise. C’est une force. Et Philippe Katerine est comme ça. 


Pourquoi avoir fait de La mariée un duo entre Keren Ann et Édith Fambuena ? 

Je trouve que c’est beau, un duo de filles. C’est rare. Keren Ann et Édith ont été extrêmement présentes lorsque j’ai traversé une période difficile, il y a quelques années. Pour moi, c’est beau de réunir deux amies importantes sur une même chanson. C’est presque un peu bizarre ces deux femmes qui parlent d’une mariée. Je vois cette version de manière cinématographique. Quand je leur ai proposé l’idée, leur réponse a été immédiate. Je pense qu’elles étaient heureuses d’être ensemble. 


Certains ont préféré une autre chanson ? 

Oui. Brigitte. J’avais pensé à Johnny Flyer, Sylvie et Aurélie ont proposé Et Va la vie. Plusieurs invités ont proposé des chansons plus mélancoliques de mon répertoire alors que j’ai souvent mis en avant les chansons fun et second degré comme Johnny Flyer ou Aucune personnalité. J’ai senti que, dans cet album, les artistes voulaient aller chercher mon côté tendre, un peu plus premier degré.


Tu parles de ces chansons comme étant des portraits de toi et des gens qui les chantent. Elle me dit évoque le rapport compliqué mère-fils. Tu parles de ta propre expérience ?   

Chaque rapport mère-fils ou mère-fille est différent. Je pense que cette chanson permet à des gens de calquer leur propre histoire dessus. Même si on raconte des choses assez drôles et décalées, il y a une forme de violence dans la manière d’en parler. Par exemple, « Oui un jour tu me tueras mais c’est quand elle me dit ça qu’elle me dit un truc que j’aime », c’est violent… C’est une relation qui fait penser à « je t’aime moi non plus ».  Donc forcément, je parle aussi de mon expérience mais j’y mets un rapport un peu plus adulte, peut-être plus assagi que Mika. Quand on a écrit cette chanson, il avait 27 ans. On peut parler de sa mère à n’importe quel âge de sa vie, qu’elle soit là ou pas. Je peux le faire de plusieurs manières, toutes différentes…

« Je ne pouvais pas concevoir de vivre
ma vie sans réaliser mon rêve qui consistait
à aller frapper chez mes idoles. »

 

Dans ta playlist, originellement chantée par Polnareff, concerne la relation fan-artiste. Tu as une âme de fan ? 

Oui ! Fan un jour, fan toujours ! J’étais très fan des années 80, de Lio. J’avais mes artistes préférés dont je connaissais les moindres chansons et je suis toujours collectionneur de vieux vinyles, de vieilles versions qu’on peut trouver parce que ça me ramène aussi à une époque où on aimait l’objet en tant que disque. Ça m’émerveillait. Voir ces pochettes en grand, des photos avec des regards qui me fixent, des regards plus gros que la réalité… Il y avait quelque chose d’initiatique. J’ai aimé le côté romantique qu’il y avait dans le rapport aux idoles : attendre que le disque sorte, aller l’acheter, le rapporter chez soi, le mettre sur la platine…
Je me souviens de moments où j’étais avec mon vélo et je repartais en pédalant comme un dératé pour arriver chez moi et écouter le disque que je venais d’acheter. J’ai une vraie tendresse pour ces moments-là et les idoles qui les incarnent. Lio, mais aussi Chamfort, Daho, Taxi Girl, Niagara, Elli et Jacno… Tous ces gens faisaient partie d’une identité pop dans laquelle je me reconnaissais pleinement.


Lio chante sur ton album. Tu vis ça comme une consécration ? 

Oui, c’est beau. J’ai fait un album pour elle avec Peter Von Poehl il y a 14 ans (Dites au prince charmant, 2005). Ce fut une belle expérience, bien que difficile parce que c’était à une période compliquée de sa vie, elle avait autre chose à gérer… Notre but, avec Peter, c’était de la ramener dans la réalité, de faire ce disque. Alors on l’a presque kidnappée ! On l’a emmenée en Suède, dans un studio perdu dans la forêt, avec un mètre de neige dehors pour être sûre qu’elle ne nous échapperait pas ! L’enregistrement a duré une dizaine de jours, le mixage a suivi. J’avais le sentiment que je pouvais rendre à Lio quelque chose qu’elle m’avait donné : un accès à la culture pop. Ne serait-ce qu’en écoutant ses disques, j’ai découvert Jacques Duval, Jacno, Daho et même Mondino. Elle a été comme un vecteur, le berceau d’une certaine vision de la pop, de cette génération des années 80. 


Sur ce disque il y a plusieurs interprètes. Mais toutes ces chansons ont un point commun : c’est toi qui les as écrites. Que représente l’écriture pour toi ? 

C’est mon langage. Je l’ai compris dès l’âge de 10 ans parce que j’arrivais à m’exprimer grâce à elle. C’est comme un journal intime. J’écrivais des petites nouvelles, des trucs d’enfant. Et petit à petit, je me suis mis à écrire des chansons, des textes sur des mélodies. Je prenais les faces B des 45 tours, souvent instrumentales et par-dessus, j’inventais ma propre mélodie avec mes paroles, je faisais mes propres chansons. Ainsi, j’ai développé mon sens mélodique et mon sens de l’écriture. C’est dans mon ADN depuis toujours, j’ai du mal à vivre sans et c’est probablement pour ça que je suis auteur. Dans la vie, il faut être réactif, immédiat, même pour manifester une émotion. Et j’ai le sentiment de mieux m’exprimer en écrivant, en prenant le temps de chercher le bon mot, la bonne phrase, la bonne formule. Ce sont deux décalages mais qui font mon identité.


Ton attirance pour l’écriture s’explique-t-elle par le fait que tu étais un enfant renfermé ? 

Oui. Je pense que lorsqu’on écrit, souvent, c’est qu’on n’est pas forcément un champion des sports collectifs…  Je me dis que c’était une manière de m’exprimer, une manière d’afficher ma différence et mes ambitions. Je me sentais ambitieux par rapport à d’autres enfants dans ma cour d’école. J’avais des rêves… Je voulais être chanteur, rencontrer mes idoles. Je voulais sortir d’une vie qui était peut-être un peu étriquée pour moi, dans laquelle il n’y avait pas beaucoup de place pour le rêve. Et je ne pouvais pas concevoir de vivre ma vie sans réaliser mon rêve qui consistait à aller frapper chez mes idoles. Je l’ai fait en allant frapper chez Lio, c’était une volonté et rien ne pouvait me faire changer d’avis. Je ne me suis pas laissé le choix. 

 

Helena Noguerra

Helena Noguerra en studio avec Doriand. Source : compte instagram @doriand_officiel

Comment Lio a-t-elle réagi lorsque tu es arrivé chez elle à l’improviste ?

Elle a ouvert sa porte et on a pris un café pendant deux heures. Je tombais au bon moment. On est resté en contact puis elle m’a présenté Helena Noguerra qui chante L’Âge des saisons sur mon disque. Ce fut une belle rencontre et un beau souvenir.


Écrire, ça facilite la relation avec un autre artiste ?

L’écriture d’un album, c’est un moment de fragilité où on se livre alors qu’on ne se connaissait pas forcément avant. C’est un accélérateur. J’ai travaillé avec Michel Polnareff alors qu’on ne se connaissait pas. On a écrit Dans ta playlist qui évoque le rapport aux fans ou encore Grandis pas qui parle du rapport à son enfant. Et à force de discuter, on a fini par se livrer intimement. Donc je pense que l’écriture permet de créer une intimité amicale. Alors que dans le contexte classique de la vie, il y a une certaine pudeur. Lorsqu’on rencontre quelqu’un, on ne va pas rentrer dans le vif d’un sujet intime. Il y a comme une forme de protocole à respecter, ça prend du temps. Les chansons, c’est du solide, on peut construire une amitié dessus. Mika, Keren Ann, Peter Von Poehl, Bashung, Edith Fambuena, Philippe Katerine… Toutes ces personnes, avec lesquelles j’aime ou j’ai aimé m’engager, passer du temps, entrer dans leur vie… Notre relation ne se résume pas à la simple écriture d’un texte que je leur envoie par mail et puis « merci, au revoir ». Non. Mon rôle, c’est d’accompagner le processus du disque, d’être rassurant quand il faut l’être, d’être inquiétant, aussi, quand il faut l’être. D’être protecteur.


Tu es devenu ami avec les gens avec lesquels tu faisais des chansons où tu as fait des chansons avec des amis ? 

Pour la plupart, je suis devenu ami en écrivant avec eux et je pense que nos chansons nous lient. C’est le cas avec Mika : on ne se connaissait pas avant de travailler ensemble. Mais on ne passe pas notre vie à parler de chansons ou de musique.
Faire des chansons avec des amis, ça aide. Par exemple, avec Keren Ann, on a co-écrit trois chansons sur son dernier album (Bleue, 2019), dont Les jours heureux. Celle-ci, on l’a écrite à la campagne, dans le sud-ouest où j’ai une maison. Il faisait 40 degrés, une canicule de dingue ! Elle a pris sa guitare, j’ai pris mon papier et mon crayon et c’est sorti en dix minutes. Parce qu’on se connait et qu’on ne triche pas. C’est la même chose avec Édith, Peter et Mika. On a ce rapport franc, on ne joue pas de rôle. Le but n’est pas de se jeter des fleurs ou de se rassurer, donc ça accélère le processus. Lorsque, dans le cadre du travail, tu as la liberté de pouvoir dire les choses clairement, y compris sur des sujets intimes comme peuvent les aborder les chansons, en disant « Ça ? Non ! », c’est l’amitié. Et le résultat est meilleur. 


Sur les réseaux sociaux, on a pu voir les différents artistes défiler en studio avec toi. Il y avait également la violoniste Karen Brunon…

Karen est venue faire les chœurs et jouer du violon. C’est une fille que j’aime beaucoup, qui m’accompagne souvent sur scène, qui vient avec générosité jouer du violon dans mes concerts, et mes disques. Elle travaille également avec Keren Ann. Elle fait partie de la famille. Je suis content qu’elle soit venue jouer sur Pas si facile à oublier et qu’elle soit dans les chœurs des filles sur pas mal de titres.

« Ecrire pour quelqu’un c’est
comme lorsqu’un créateur dessine une robe
pour une personne en particulier »


On entend également tes enfants sur Dans ta playlist…

Les voix de mes enfants terminent le disque. Car ça représente 20 ans de vie, avec Roman qui est né en 2007 et ma fille en 2010. J’étais en train d’écrire Elle me dit avec Mika lorsque j’ai appris que j’allais être papa une deuxième fois. Mes enfants accompagnent ma vie. Leur voix, c’est un plaisir personnel, mais qui a du sens.
Ce disque, c’est un peu mon regard sur la pop. Je trouvais tendre que les moments importants de ma carrière, avec ces chansons-là, y soient, ainsi que les voix de mes enfants. Tout cela s’inscrit dans les moments forts que j’ai vécus ces dernières années.


Est-ce que tes enfants influencent l’artiste que tu es ? 

Dans l’écriture peut-être. Car je fais attention à leur manière de réagir aux chansons, aux textes. Quand j’écris à la maison et que le lendemain j’entends ma fille dans son bain qui fredonne une phrase que j’avais prononcée la veille, je me dis que c’est bon signe ! Ça veut dire que c’est efficace. Donc en général, je garde.


Tu écris tout le temps ? 

Non. Mais n’importe quand ! Dans la rue, je prends des notes. Je peux enregistrer avec un dictaphone intégré dans le téléphone, c’est agréable.


Tu as de nouveaux morceaux ? 

Il y en a toujours qui se trament. Mais pour l’instant, aucun album prévu avec des chansons originales. 


Cet album, tu dis que c’est une manière de te découvrir. Qu’as-tu appris sur toi ?
 

Ce disque m’a fait prendre conscience que j’écris pour des gens qui sont populaires mais qui rêveraient d’être un peu plus indépendants. Parallèlement, je travaille pour plein d’artistes indépendants qui aimeraient être un peu plus populaires. Je suis comme un trait d’union entre ces deux mondes et ça me plaît. Là, sur un même album, sont réunies des chansons écrites pour les L5, Alain Bashung, Mika, Michel Polnareff, Sylvie Vartan, Camélia Jordana ou encore Julien Doré. C’est la même personne derrière les paroles et certains doivent se demander « Comment peut-il écrire à la fois pour les L5 et pour Bashung ? » Pour moi, c’est pareil, car seul compte l’engagement. Écrire pour quelqu’un, c’est comme lorsqu’un créateur dessine une robe pour une personne en particulier. Il faut qu’elle soit à l’aise. Il y a des mots qu’il faut écrire pour certains interprètes pour qu’il se sentent eux-mêmes une fois que c’est dans leur bouche. J’ai cette possibilité de pouvoir me projeter dans des mondes différents, qu’ils soient indépendants ou populaires et je suis la même personne à chaque fois. 


Et à propos de toi-même ? 

Je n’ai pas de regard particulier sur moi mais plutôt sur tous les gens avec lesquels je travaille, les interprètes pour lesquels j’écris. Là, j’ai un regard précis. Je pense que je peux être de bon conseil pour eux, s’ils se posent des questions, parce que j’ai une vision. En revanche, sur moi, je suis nul !
Dans cet album, le regard des invités sur moi éveille ma conscience, me donne une indication sur le regard que je devrais peut-être avoir. En tout cas, ça rend les choses moins floues me concernant.

 

Dans son nouvel album Portraits, Doriand reprend Non, non, non originellement chanté par Camélia Jordana :