Rencontre avec Château Forte : « Ce qu’on joue n’est jamais figé »

Lola-Ly Canac et Clément Doumic, les deux membres du groupe Château Forte, nous présentent aujourd’hui leur EP, Château Forte, dont le titre est éponyme à leur nom de scène, mais pourquoi ce choix ? Ils nous répondent en interview et nous présentent leur univers musical. 

Bonjour tous les deux, pouvez-vous commencer par nous présenter votre groupe, qui se cache derrière Château Forte ? 

Lola-Ly : Nous sommes Château-Forte, un groupe formé de Clément qui vit à Paris et moi-même, des Cévennes. Cela fait 4-5 ans que l’on travaille ensemble sur ce duo.

Comment avez-vous commencé la musique ? 

Lola-Ly : J’ai commencé la musique assez tôt, vers 6 ans j’ai dit à mes parents que j’avais envie de chanter, puis j’ai souhaité faire du violoncelle. Mes parents n’étant pas musiciens, j’ai commencé par le conservatoire. J’ai commencé la guitare, je travaillais de plus en plus le chant avec des chorales, des maîtrises, et je suis entrée en classe de chant lyrique comme lyrique vers 16 ans. J’étais en horaires aménagés au lycée et je passais beaucoup de temps à faire de la musique. Après le BAC, j’ai arrêté le conservatoire qui ne correspondait pas à ma manière de voir les choses, mais j’ai continué les projets artistiques : je suis entrée aux arts-décos de Strasbourg et j’ai travaillé de nouvelles manières de produire du son et diverses créations. J’ai repris doucement la musique et j’ai rencontré Clément.

Clément : Je suis aussi passé par le conservatoire qui m’a vite désintéressé. À l’adolescence, j’ai compris qu’il y avait beaucoup d’autres manières de faire de la musique, je voulais écrire de la musique avec des amis qui ont été une vraie source d’émulation.

Lola-Ly, d’où est venue cette envie de faire de la musique, elle paraît presque innée… On écoutait beaucoup de musique chez toi ? 

Lola-Ly : Mes parents écoutaient de la musique et ils ont évolué tous les deux dans des sphères artistiques : mon père est graphiste, ma mère était peintre puis elle est devenue réalisatrice de documentaires. J’ai donc passé mon enfance autour de gens qui créent et s’expriment par l’art. Je pense que mon attrait ne sort pas de nulle part, mais je ne saurai pas dire ce qui m’a poussée en premier.

Le projet résidait dans le fait de fixer nos arrangements en live.

Comment vous êtes-vous rencontrés avec Clément ?

Lola-Ly : On s’est rencontrés fin 2017, je rentrais du Brésil où j’étais partie en échange 8 mois. Je vivais à Strasbourg, mais j’étais passée à Paris pour voir ma famille et je m’étais retrouvée en concert de forró (musique traditionnelle brésilienne) à La Villette. J’étais venue pour écouter, Clément avait un ami qui faisait des percussions brésiliennes et on s’est croisés. On a très vite prévu de se revoir pour tester des musiques ensemble et ça a commencé ainsi.

 

À quel moment est-ce que cette rencontre a créé Château Forte ? 

Lola-Ly : Bonne question. C’est drôle, hier en cherchant quelque chose dans nos conversations Messenger, je suis retombée sur des vieilles conversations quand on cherchait notre nom. Je suis tombée sur des vieilles propositions, dont un lien que j’avais envoyé à Clément qui citait « les dix pires noms de groupes français ». On essayait de faire des mélanges avec nos mots préférés (rires). Je pense que Château Forte est né entre le moment où on a posté notre premier morceau sur internet, À moitié chiens, et le moment où on a fait notre premier concert en juillet 2020. Le projet a éclos à ce moment-là.

Vous venez de sortir un EP, Château Forte, quel était le projet dans son écriture et sa composition ? 

Clément : On voulait réussir à faire des chansons et à les enregistrer d’une façon cohérente, avec une même technique d’enregistrement, en live. Le projet résidait dans le fait de fixer nos arrangements en live, tels quels, sans artifice. C’est une pierre importante du groupe qu’on souhaite reproduire par la suite.

Comment cela se passe pour les concerts si vous avez enregistré votre album en live ? Vous gardez la structure de l’EP ? 

Clément : Ce qui nous intéresse, c’est que ce qu’on joue n’est jamais très figé, on improvise beaucoup selon la manière dont on vit les choses, on s’amuse beaucoup en live. L’album nous a permis de les jouer d’une certaine façon un jour donné, mais chaque concert est différent.

Pourquoi choisir un titre d’EP éponyme au nom du groupe ? 

Lola-Ly : Ce n’est pas un choix très réfléchi, cela allait de soi comme premier projet. J’ai l’impression que ça symbolise le fait que ça soit attaché à nous, notre premier projet et qu’à partir de ça, les autres pourront s’appeler différemment et avoir des identités propres.

J’imagine que vous aviez d’autres titres et qu’il a fallu faire une sélection de 5 chansons, y a-t-il eu une réflexion particulière sur le choix des titres ? 

Lola-Ly : C’est une histoire de dynamique, comme en concert. On n’a pas un album-concept, il y a parfois des échos entre les morceaux, mais c’est plus un chemin musical en lien avec des débuts, des fins, des fluidités au sein même des morceaux et de leur ensemble. On cherche à composer un paysage.

Musicalement, vous cherchiez une ambiance particulière ? Il y a quelque chose de très organique dans vos chansons, de spatial entre l’espace pris et celui qui semble s’ouvrir à vous et que vous pouvez vous approprier à chaque instant. 

Lola-Ly : Oui, on aime laisser des portes ouvertes et disponibles. C’est l’avantage de faire une musique organique où il y a la place de faire des choses qui nous surprennent. C’est un endroit qui reste incontrôlable. On aime cultiver les choses et laisser des endroits plus en friche, en jachère, afin de laisser des choses plus vivantes et moins organisées arriver.

Comment vous répartissez-vous la composition et l’écriture au sein de votre groupe ? 

Clément : Il n’y a pas de processus défini. Pour la plupart des morceaux, on se retrouve autour d’une table et on écrit ensemble. On n’arrive pas avec des choses très instruites chacun de notre côté, on essaye de faire ça au même moment, on fabrique ensemble.

Vous ouvrez le disque sur la chanson Aveux, pourquoi ce choix ? 

Lola-Ly : On ouvre souvent les concerts sur ce morceau, mais on y tient beaucoup comme ouverture, car elle fonctionne bien ainsi, on aime la manière dont elle monte. Elle a aussi assez peu de mots par rapport à d’autres chansons ce qui permet de bien commencer. Ce qu’elle raconte est un grand mystère, personne ne la comprend et ça me plaît beaucoup. Elle aide à faire planer une ambiance secrète.

Clément : De même, je n’ai jamais compris le sens de la chanson (rires). En concert et sur le disque, ouvrir avec cette chanson qui dit « je n’ai pas, je n’ai pas d’aveux à faire » permet une entrée très mystérieuse et donne soif à l’aventure. J’ai l’impression qu’elle va me raconter quelque chose d’extraordinaire.

Plusieurs de vos titres comme Insolomnie ou Aveux durent 7-8min, pourquoi choisir un format moins classique ? 

Lola-Ly : Dans la musique actuelle, il y a peu de longs formats, mais dans plein d’autres musiques, c’est assez classique. Dans l’histoire de la musique, les morceaux en trois minutes sont assez récents, on continue finalement quelque chose qui se fait depuis longtemps. Aussi, j’aime écouter des longs morceaux personnellement et pour moi, c’est important de retrouver ça. J’aime les choses qui durent plus longtemps. On laisse ainsi le temps naturel et la contemplation.

Une de vos chansons se nomme Mélancolie (à la fin du jour v.2), pourquoi cette version 2 ? 

Clément : Ça rejoint l’idée d’avoir une chanson comme Aveux en début de disque : on garde une part de mystère. En fait, on avait écrit une version 1 avant la version 2, mais on décidé de garder la version 2 pour le disque et on souhaitait montrer ça, ce processus qui fait que la v2 existe et la v1 est seulement dans nos têtes. Ça laisse un horizon qui permet aussi de se dire que la première version existera dans le futur, mais on ne sait pas encore sous quelle forme.

Le Cri clôt l’album, c’est sûrement la chanson la plus percutante de l’EP, quelle est son histoire ? 

Clément : L’interprétation est très libre. On a écrit l’amorce ensemble et mon interprétation est très différente de celle de Lola-Ly. Je m’en fais une histoire très précise qui est inutile à raconter, car elle figerait les choses alors qu’elle peut parler à des personnes de différentes façons. C’est important de laisser la place à l’imagination.

Lola-Ly : Contrairement à d’autres chansons, on a beaucoup traité du sens ensemble et ça beaucoup influencé ma façon de l’écrire et de l’interpréter. Pour moi, c’est un peu un conte, une fable pour enfant qui n’est finalement pas que pour les enfants. Il y a beaucoup de sous-textes et de fantastique dans cette chanson. J’ai des images et des couleurs très précises en tête quand je la joue et je crois qu’elle provoque la même chose aux gens qui l’écoutent.

Comment s’est passée la première partie de Palatine à la Maroquinerie ? 

Lola-Ly : Très bien ! On a fidèlement joué en première partie de Palatine. À chaque concert, j’ai l’impression qu’on est encore plus contents de jouer.

Clément : Habitant à Paris, les dates parisiennes ont une symbolique particulière pour moi surtout dans une salle comme La Maroquinerie. Toutefois, aujourd’hui, Paris n’est pas le centre de ce qu’on fait avec Château Forte, on se décentre beaucoup avec notre groupe.