Suite à sa venue sur la scène du RFM Music show en juin dernier, Gauvain Sers a répondu à quelques-unes de nos questions.
Bonjour Gauvain, tu as sorti en mars dernier ton deuxième album « Les Oubliés », peux-tu nous en dire quelques mots ?
Deuxième album donc forcément un virage important dans la carrière d’un artiste, en effet, il est plus attendu avec le succès du premier ; et en même temps, j’ai essayé de ne pas trop réfléchir à ça et de continuer comme avec le premier : sans me poser des questions sur comment ça ou ça allait être perçu par les critiques et les gens. J’avais à coeur de faire la suite logique du premier album en essayant d’aller un peu plus loin dans certains sujets, la composition, la production et la manière d’enregistrer. J’ai essayé de varier les sujets et les émotions dans l’album : de faire des chansons sociales d’actualités, mais aussi plus légères, personnelles, tendres, sur le quotidien.
Oui, les sonorités sont plus fortes les paroles plus intimes …
Oui, je crois, j’espère, cela me fait plaisir si tu as ressenti cela, car les mélodies ont été plus travaillées et nous n’avons pas enregistré de la même manière, avec deux réalisateurs en plus, Yarol Poupaud et Dominique Blanc-Francard, on a chacun amené un truc très différent. J’avais aussi plus d’expérience studio que sur le premier. C’était important de peaufiner ce côté-là.
Comment s’est passé sa création, son écriture ?
Je n’ai jamais trop arrêté d’écrire des chansons, c’est du quotidien, même au moment de la sortie du premier. J’essaye de toujours penser à des nouvelles chanson, c’est un truc de tous les jours. Ça me permet de ne pas trop me poser des questions, un jour, je me retrouve avec une quinzaine de chansons et je me dis que ça suffit pour un album, puis je pars en studio. Le processus est toujours le même, je dois avoir envie de raconter une histoire, d’aborder un sujet, ça commence par le texte puis je cherche des mélodies.
Quels genres d’histoire avez-vous envie ?
Ça dépend de mon humeur, de ce qui m’a touché, parfois, je vis des choses personnelles qui me donnent envie de le sortir par écrit, mais ça peut être aussi ce que j’entends, ce que je lis dans les journaux. Ça me tombe un peu dessus et après, j’essaye de raconter l’histoire à ma manière avec beaucoup d’images, de façon très visuelle avec un début, une fin. Les sujets, je les trouve un peu partout.
Justement ici, « Les Oubliés », ceux de la France, de la campagne, ce sont toutes ces personnes qui vous ont inspiré ?
Exactement ! Ça faisait un moment que je voulais écrire sur ce sujet-là, sur ce sentiment d’abandon qu’on peut avoir en ayant l’impression d’être toujours la dernière roue du carrosse. Je ressentais beaucoup cela en rentrant chez mes parents, de voir les centres-villes déserts, je trouvais cela triste, mais je n’avais pas les mots. Le déclic s’est passé quand j’ai reçu la lettre du professeur de la Somme qui me raconte son histoire où il souhaite sauver son école de la fermeture. Ça a été le point d’ancrage du début de la chanson. Je l’ai écrite très vite et je ne pensais pas qu’elle aurait cette résonance aujourd’hui. J’ai écrit les quatorze chansons de la même manière et je ne pensais pas que ça serait le single, mais je suis content, car c’est une chanson qui me ressemble, l’école est très importante. J’ai vécu dans un milieu rural donc je me sentais légitime d’aborder ce sujet ; en plus je suis fils de prof. Même si j’aurais préféré ne jamais avoir à écrire cette chanson, je suis content de la vie qu’elle a aujourd’hui, elle ne m’appartient plus. C’est le plus beau cadeau.
Les Oubliés, ça aurait pu être vous ?
Je parlais de la campagne, mais c’est vrai que même à Issy-les-Moulineaux, je pense que de nombreuses personnes se sentent oubliées parce que Paris. Mais à Paris aussi il y a de nombreux oubliés. Pierre Perret chantait Lily, c’est une oubliée d’une autre époque. On est tous des oubliés dans certains domaines et dans certains moments de nos vies. On a tout ce sentiment d’être laissé de côté. Les Oubliés peut englober plein de gens.
Depuis novembre, on peut d’ailleurs politiser ça …
C’est clair, ça a été l’une des premières revendications du mouvement. Beaucoup de gens étaient d’accord au départ, après le mouvement a pris plein de formes donc il a été difficile de suivre, mais le départ rejoignait ça.
Après la Creuse, il y a eu Paris, des rencontres, on en retrouve plusieurs des paroles de Michel Bussi, des mots d’Anne Sylvestre …
Je trouve cela important de raconter dans quelle famille j’appartiens. Michel Bussi, je l’ai rencontré dans une interview croisée du Parisien l’année dernière, on s’est super bien entendu. Il est passionné de musique, il met toujours des clins d’oeil à des chansons dans ses romans. Un jour, je lui ai envoyé un texto pour lui dire que s’il avait besoin d’une chanson ça me ferait plaisir qu’on bosse ensemble : il était en train de finir son dernier roman dans lequel il y avait un texte très important dans l’intrigue et il m’a proposé d’en faire la musique et de l’interpréter. J’étais en train de finir l’album donc je l’ai rajouté ; c’était un peu la bande originale de son nouveau roman donc c’était super cool. C’est une belle collaboration avec un homme que j’adore. Anne Sylvestre est une oubliée de la chanson française alors qu’elle écrit des chansons incroyables, elle a un répertoire immense. Je ne pouvais pas chanter cette chanson avec quelqu’un d’autre qu’elle : « Il n’y a pas de retraite pour les artistes », elle représente tellement la chanson. C’est quelqu’un qui a des étoiles dans les yeux quand elle parle de texte. Quand je lui ai montré le texte pour la première fois, elle cherchait des mots à retravailler. J’ai beaucoup d’admiration pour les passionnés, qui n’ont plus rien à prouver et qui continuent de travailler.
L’une des dernières chansons qu’on peut se poser c’est « Que restera-t-il de nous ? » ?
C’est une question ouverte pour la fin de l’album. Au début, je voulais finir sur « Il n’y a pas de retraite pour les artistes », car c’était une belle chute, mais celle-ci est plus ouverte, on se pose tous la question, pour nous, mais aussi dans plein de domaines : notre planète dans 30 ans, des histoires qu’on vit au quotidien.
Quel est votre avis pour dans 30 ans ?
De manière générale, je suis plutôt optimiste dans la vie, mais il va falloir des changements, le monde évolue à une vitesse norme, il va y avoir plein de révolution, des prises de conscience. La jeunesse a l’air présente là-dessus alors je suis confiant.
Quelles ont été vos influences musicales pour la préparation de cet album ?
Mes influences depuis toujours, le côté très chanson française, Souchon, Renaud, Brel, Barbara, Anne Sylvestre ; mais aussi le côté folk américain pour les sonorités, la manière de produire les disques, Bob Dylan, Simon and Garfunkel, Bruce Springsteen.
Connaissez vous le magazine Zadig, cela me fait penser à ce que vous nous expliquez, sur Les Oubliés, il y a des reportages sur des pêcheurs en Bretagne, sur des personnes qui veulent sauver leurs commerces …
J’ai d’ailleurs rencontré des pêcheurs en Bretagne, on a fait un échange de métier lors de ma dernière tournée. On a passé la journée à discuter de nos métiers, c’était assez bouleversant.
Justement, comment s’est passée cette tournée des Oubliés ?
C’était important de faire ce qui était cohérent avec la chanson et d’aller rencontrer les gens plutôt que ça soit toujours eux qui viennent toujours nous voir dans des théâtres ou dans des salles de concert. À chaque concert, il y avait des rencontres vraiment tops. Le but était de rendre la culture accessible à tous, certaines personnes n’avaient jamais vu de concerts à 50 ans. C’était une super expérience, car je n’ai pas l’habitude de faire ça. Il est important de faire des petites scènes acoustiques, mais aussi de faire évoluer la tournée et de faire des salles un peu plus grandes.