Crédits photo : Fasmer
L’été arrive. S’il n’est pas déjà là. La température augmente, l’atmosphère se charge d’une énergie nouvelle et les esprits s’allègent. Le soleil, la chaleur et la bonne humeur sont au rendez-vous. Quoi de mieux pour accompagner cette période haute en couleurs que la sortie d’Amour Noir (saison 02) de Still Fresh le 28 mai 2021 ? Pas grand chose, surtout avec un déconfinement qui se met en place progressivement et nous laisse apercevoir un avenir, ou du moins, des mois, moins difficiles.
C’est donc avec joie que je vous retrouve pour parler de ce nouveau projet de Fresh qui fait suite à la saison 01 (mon interview sur le sujet ici). Sur le premier volet, le chanteur nous dépeignait les déboires de son cœur, sur un ton et d’un point de vue plutôt masculins, un tantinet sombres. Ou disons, obscurs. Cette fois-ci le chant et la mélodie sont maitres. Là où, auparavant, le cœur semblait lourd, chargé de déceptions et des imperfections que font un « Amour Noir » qui se veut plus réaliste que l’amour décrit en chanson, généralement assez édulcoré.
On commence en douceur et avec une pointe de mélancolie sur SANS REGRETS, pour entendre l’énergie envoutante et saisissante de Bamby qui enflamme la prod en l’espace de quelques secondes seulement sur le titre QUESTION DE LOVE (ci-dessous). On enchaine avec POR FAVOR, un air rythmé et dansant, simple qui nous emporte tout de suite. C’est alors qu’on en arrive à COMPAGNIE, où la puissance masculine bat son plein. Jahyanai attaque dans un créole qui ne laissera personne indifférent. Tout comme le morceau avec Bamby, on sent un réel plaisir de partage des styles entre Jahyanai et Still Fresh. Ce sont deux collaborations qui fonctionnent à merveille. DEHORS, termine le projet en beauté dans une ambiance décontractée mais déterminée, on pourrait presque lui trouver une texture tant il est riche et bien agencé et tant les mots glissent et rebondissent sur l’instrumentale. On sent que Fresh s’amuse particulièrement sur ce morceau. Ca fait plaisir, et c’est communicatif !
Mais d’ailleurs, que pense Fresh du rap ? De la musique ? Du monde musical ? Du monde du show-business qu’il côtoie depuis plusieurs années ? S’il se définit comme artiste, quel rapport a-t-il à son travail qui est aussi sa passion ? Après toutes ces années dans la musique, et toutes celles à venir, qu’est-ce qui le maintient motivé ? Qu’est ce qui fait qu’il s’amuse justement ?
« Le rap, je dis souvent que c’est une musique mutante, ça traverse les générations et les styles. » m’explique-t-il lorsque je le questionne sur la tournure que prend le rap, qui depuis ces dernières années, grossit et s’impose comme une culture à part entière. Ce sont ses mots encore une fois. « Le rap c’est une vraie culture », et cette ampleur qu’il prend c’est « une victoire pour le rap, la musique urbaine, et la jeunesse ».
Il faut savoir que le rap est aujourd’hui le genre musical le plus écouté en France. Mais ça ne s’arrête pas là. Depuis une vingtaine d’années que le rap est arrivé en France (si je peux dire ça comme ça) il a grossit, mais il a aussi changé, évolué, gonflé, s’est diversifié, tout en restant fidèle à ses principes de bases et ses éléments fondateurs. Tout le côté street, presque ghetto, le côté communautaire du rap, le côté revendicateur, le besoin de s’exprimer et de quelque part, dénoncer des conditions de vie matérielle et sociale sont toujours partie prenante de l’ADN du rap maintenant, comme dans le passé. Le contexte s’est amélioré, certains rappeurs font exception, signe que les rappeurs eux-mêmes changent, que les frontières du rap s’élargissent, parfois jusqu’à devenir floues. Quand Fresh parle d’une musique mutante et d’une culture à part entière, c’est je pense, ce à quoi il fait référence. Ce qui n’est plus pareil c’est que le rap est reconnu, le public l’a porté, l’a choisit ! Que même ceux qui n’en écoutent pas ou qui n’aiment pas ça, doivent bien admettre que la bataille menée pour la reconnaissance du rap et plus tard, de la musique urbaine, est en train d’être gagnée.
Still Fresh en est un très bon exemple. Il a commencé par rapper, pour suivre les grands de son quartier, son frère, et par amour pour cette musique. Puis petit à petit, il a élargit ses horizons et a commencé à chanter, pour en arriver à ce qu’il fait présentement. D’abord le rap, puis le rap et le chant, puis se tourne vers l’afro, pour arriver vers le caribéen. De toute façon ça ne veut plus rien dire. La plupart du temps ce sont des étiquettes que l’on colle à un genre ou un artiste, mais c’est plus pour se situer qu’autre chose. Les influences se croisent tant que tout se mélange. Ce qui n’est pas nécessairement mauvais. Au contraire. Je trouve qu’Amour Noir fait partie de tout ça, que c’est un projet cohérent mais ouvert. Qui résulte d’un mix de plein de sonorités différentes, peu importe quel style on peut bien lui accoler. C’est de la musique. Et c’est ça qui compte. Une musique faite avec le cœur et l’esprit. Et ça, Fresh le sait, le veut et le vit.
Quand j’aborde avec lui les thèmes de l’image et du succès, et comment les deux se conjuguent lorsqu’on est musicien de nos jours, Still Fresh me répond que ça dépend de chaque artiste. Que tous sont des humains –ce qui est parfois oublié- et que par conséquent, ils sont tous différents, ils changent et ils évoluent, eux aussi. A leur échelle. Pour sa part, Fresh, de nature non pas timide, mais discrète, préfère se mettre en retrait pour mieux faire résonner sa musique. Il n’en omet pas pour autant l’importance de l’image actuellement, avec l’explosion des réseaux et de la technologie, notamment des clips, qu’il soigne et qu’il prend très au sérieux. « La musique ça se regarde ! » me dit-il pour clore ce sujet.
On en vient ensuite à parler de son label indépendant, la Nouvelle Ecole, qu’il a co-fondé avec quelques uns des membres les plus proches de son entourage, pour plus de liberté artistique, d’indépendance, et d’identité. Tous ses clips sont produits par ce label et quelques artistes sont signés dessus. Dont Spri-Noir et Blondinet. « C’est un label familial » me dit-il au final.
Ne passez pas à côté de Still Fresh, un artiste complet et méritant, qui remplit ses textes de bonnes ondes et de références plus riches les unes que les autres. Bonne écoute !
