Motomami, le tout nouvel album de Rosalia !

Rosalia, Motomami, 2022

INTRODUCTION

Sacrifice, ce qu’elle choisit de céder pour pouvoir exceller. Rosalia, femme, chanteuse, star, espagnole dans le sang, le coeur et l’âme, ou plus simplement Rosalia l’artiste, âgée de 29 ans, a délivré le vendredi 18 mars 2022 son troisième album studio Motomami après El Mal Querer fin 2018 et Los Angeles début 2017.  

Elle brûle, elle est incandescente. Elle est la seule qui peut se permettre de se faire interviewer par l’éminent journaliste Zane Lowe, et en profiter pour l’emmener manger des tacos et des churros dans une boutique de la chaîne Papi à Santa Monica en Californie.

La vie la transperce. Tout le long de l’interview consacrée à la sortie de son album, elle dévore Zane du regard avec dans les yeux une malice et une curiosité qui pétillent. Les années passent mais la même énergie l’habite. Ces bouffées de créativité qui caractérisent sa manière de travailler caractérisent aussi sa personnalité.

Pour l’interview de Lowe, dont je parlerais souvent, la jeune femme se présente sobrement avec un maquillage naturel. Elle arbore un style simple qui est aussi tout à fait tendance, bien qu’elle ne soit pas du genre à la suivre. Plutôt à la bousculer et à se la réapproprier. C’est drôle, on dirait qu’il sont assortis. Zane porte un sweat au coutures apparentes, similaire à celui de la popstar, à part que l’un est rose et que l’autre est blanc cassé. Ses longs cheveux sont détachés mais plaqués sur les tempes et tirés en arrière, de façon à ce qu’aucune mèche ne gêne son visage. Ses oreilles généreuses sont décorées à l’asymétrique : l’une nue, l’autre avec des boucles d’oreilles aussi expérimentales que son album. 

Il est très étrange de regarder cette interview. Intéressant mais tellement gênant parfois ! A moins que ce ne soit agréable. On ne sait pas si on est censé regarder ou tourner la tête et fermer brusquement les yeux en pensant “Mmh Mmh ! Ce n’est pas pour moi !” Comme si on les observait secrètement par le trou d’une serrure, les surprenant au beau milieu d’une conversation intime et passionnée. Comme deux êtres liés par une amitié que seuls eux pourraient définir tant elle paraît unique. Et pourtant c’est sur Youtube, à la portée de tous. Ce qui est très drôle aussi, c’est que contrairement à Rosalia, Zane se contient, en tout cas, il est comme dans la maîtrise de ses émotions, très dans la retenue, comme si la chanteuse ne lui faisait pas plus d’effet qu’un joli pot de fleurs. Là où Rosalia gigote, se balance de droite à gauche, laisse son visage exprimer toutes sortes d’émotions, Zane semble se retenir, ou ne pas en ressentir autant que son interlocutrice. Il est présent, content, très certainement honoré, il reste cependant presque neutre. De temps en temps au détour d’une question, une blague s’immisce dans la conversation et les deux pouffent. Diable ! Est-on réellement censé assister à cet échange ?

Ce qui me titille, c’est que même après plus d’une heure de vidéo, on ne sait toujours pas d’où viennent toutes les références japonaises de cet album, ne serait-ce que pour le titre ou ceux de certains des morceaux qu’il contient. Motomami, “Hentai”, “Sakura”, “Chicken Teriyaki”, le clip de “Candy” qui est tourné au Japon, l’aspect moderne, technologique, presque futuriste de certains éléments de ce projet qui eux aussi rappellent ce pays … D’accord ce n’est pas le plus important, et on ne peut pas parler de la totalité du concept mais j’aurais apprécié une explication, même brève. Dieu merci elle ne nous parle pas de One Piece, de Naruto, ou de tous ces mangas qui si méritants et légitimes soient-ils sont cités partout à toutes les sauces. Un peu comme Tony Montana mentionné dans les trois quarts des albums ou des morceaux du rap francophone, au point ou ça en devient indigeste, fade, tant son nom et son symbole deviennent usés, désuets et vide de sens à force d’être employés. Que ce soit pertinent ou à tort et à travers : trop c’est trop !

L’ALBUM

Motomami est fort. Un album plein d’énergies, très humain, mais également très fourni et travaillé. Il a fallu à Rosalia deux ans si ce n’est pas trois pour en venir à bout et satisfaire sa vision, de ce qu’elle voulait créer, comment elle voulait le créer, comment il devait sonner et à quoi il devait ressembler. Pochette originale ci-dessous.

Rosalia, Motomami, 2022

« Perfectionist, resilient with her vision and determined”. C’est comme ça que Zane Lowe la décrit en trois adjectifs, en tant qu’artiste. La perfection toujours en tête, la résilience qui la pousse toujours plus haut, et la détermination qui l’encourage et lui permet d’avancer encore et encore. Rosalia dit clairement que Motomami est l’album qui a été pour elle le plus difficile à réaliser. Parce qu’il a été conçu en début de pandémie, que ça l’a isolée mais aussi parce qu’elle était obsédée par la façon dont Motomami devait être, et qu’elle pouvait passer jusqu’à 16 heures par jour au studio pour arriver au résultat qu’elle imaginait. Ceux qui ont pu participer à cette création sont entre autres : Frank Ocean, Pharrell Williams et James Blake. Autant d’artistes qu’elle admire, estime, et apprécie, musicalement et personnellement, ce qui est amusant quand on sait que ce sont tous des superstars. De notre point de vue, ça rend cette humanité presque exclusive, intouchable et inatteignable, un peu comme ce qui ressort de l’interview avec Zane Lowe. On a du mal à concevoir que ça puisse se dérouler aussi banalement puisqu’ils appartiennent à une sphère qui nous est extrêmement lointaine, rendant le tout flou, et fou. Qui sont ces deux zozos ? Ces deux potes qui s’enfilent des sucreries comme lors d’une soirée pyjama, et qui postent ça sur le Net, comme ça.

Si vous n’avez pas compris le titre de l’album, allez voir le clip de « Saoko », le morceau qui ouvre le projet. Je n’en dis pas davantage, les images parlent d’elles-mêmes. Un petit indice : une fois le clip visionné, ne cherchez pas midi à quatorze heures, c’est assez évident.

Une autre particularité concernant Rosalia : lorsqu’elle construit, lorsqu’elle travaille sur un nouvel album, c’est là qu’elle écoute le plus de musique, d’albums, d’autres artistes. Chose étonnante puisque généralement l’artiste s’enferme dans sa propre création et n’écoute plus que ses sons à lui. Non non, elle ça l’aide à s’ouvrir à d’éventuels déclics musicaux, qui font avancer son processus et qui stimulent son instinct. Woaw.

Mais alors ? Quels sons écouter ? Quel est le meilleur de l’album ? Honnêtement je suis conquise par tout. Surprise certes, mais conquise. Je ne m’attendais pas du tout à ce type d’album, de sonorités, et surtout si on m’avait dit à l’avance qu’il serait conceptuel, expérimental, novateur, je me serais méfiée parce que j’aurais pensé que Rosalia serait allée trop loin. Elle investit tant de temps, fait tant de recherches, elle est si dévouée, travailleuse et parfois tellement dans l’anticipation, dans le futur, que ça en serait devenu inaudible. Pourtant elle a tout réussi.

Clique ici pour écouter « La Combi Versace »

C’est beau, mélodieux, profond, accessible, exigeant et authentique. C’est elle, c’est son album, comme elle l’imaginait de A à Z. C’est ce qui le rend exceptionnel, et ce qui le rend encore meilleur, c’est qu’elle a su doser son excentricité. Elle en a mis juste assez pour que ce soit spécial et neuf, et s’est arrêtée pile là où il fallait pour que ça puisse plaire au plus grand nombre, sans en faire une priorité. Elle a combiné original et populaire, et ça c’est extraordinaire.

Outre Motomami dans son entièreté, mes titres préférés dans le désordre sont “Candy”, “La Fama” avec The Weeknd, “Diablo”, “La combi Versace” avec Tokischa, “Sakura”, “Chicken Teriyaki”, “Hentai”, “G3 N15”, et “Delirio de Grandeza”.

Pour du contenu sur les projets passés de Rosalia, mon premier article à son sujet ici.