Les 14 et 15 mars derniers, Patrick Bruel était à l’Accor Arena de Paris dans le cadre de sa tournée On en parle pour défendre son dernier album Encore une fois. Retour sur l’un des spectacles les plus aboutis de l’année mené par un showman qui provoque l’inattendu.
Pas encore 21 heures. Dans un Bercy plongé dans le noir, la tension monte, la musique démarre, des lignes jaunes et orange coulent le long d’un écran vertical au centre de la scène. Il s’ouvre. La lumière et la fumée transpercent la pénombre. Patrick Bruel s’avance en marchant, en noir de la tête au pied, vêtu d’un manteau mi-long. Une entrée qui rappelle celle de la tournée Alors Regarde entamée en 1990. Cheveux longs en moins.
Première chanson. Premier single de l’album Encore une fois. Les lumières rose et bleues dévoilent un écran, presque 190 degrés, et trois panneaux amovibles au dessus de la tête de Patrick et de ses quatre musiciens. Ils sont exploités au maximum pendant Alors Regarde ajustée dans une version plus urbaine que l’originale, la même veine que le nouvel album. Immersion avec des images semblant sortir de la NASA. Changement d’ambiance quand Patrick s’assoit au fond de la scène avec une guitare pour enchaîner L’appart, Décalé, Tout s’efface, Comment ça va, Marre de cette nana-là et Mon amant de Saint Jean, devant le décors d’un appartement en brique avec cheminée, bibliothèque XXL et vue sur New York dont il rêvait à 20 ans.
Lors de cette tournée, Patrick joue évidemment les standards comme J’m’attendais pas à toi qui n’a besoin que des premières notes pour gagner l’approbation du public. Des titres du disque précédent Ce soir on sort : le single Pas eu le temps est déjà un classique ! Et puis il y a la face engagée de Patrick, ultra présente sur le nouvel album.
« Isolement », « Mensonge », « Suicide », « Canicule », « Déforestation », « Rébellion », « Colère, « Violence », « Fake news » : Défilé de mots qui résument les maux de notre époque illustrés en image. Le Patrick engagé croise le Patrick juif berbère quand s’affiche blanc sur noir la date du 7.10.23 qui marque l’attaque terroriste du Hamas contre Israël. La foule applaudit. Sa position est claire : il défend une réconciliation de l’Etat juif avec la Palestine comme c’était déjà le cas en 2004. Piqure de rappel avec une vidéo du concert pour la paix qu’il avait organisé à l’Opéra de Versailles : un pianiste israélien et un pianiste palestinien avaient joué un quatre mains sous les yeux de Simone Veil. Bruel, l’homme sensible à l’Histoire avait lu la lettre de Missak Manouchian a son épouse Mélinée lors de leur panthéonisation le 21 février 2024. Lettre qu’il lit de nouveau ce soir avant d’interpréter Aux souvenirs que nous sommes, devant la silhouette des 23 résistants de l’Affiche rouge fusillés au Mont-Valérien. Subtil enchaînement avec Place des grands hommes, la place du panthéon. On assiste à un spectacle pensé au millimètre près et pertinent de bout en bout.
Cinq morceaux plus tard, dont Origami pour lequel il est rejoint par Ycare, Patrick insiste sur l’importance de l’instruction, cette fois-ci par les livres. Hommage aux instituteurs dont sa mère faisait partie avec L’instit. Assis sur une chaise, guitare sur les genoux, 24 enfants, t-shirt coloré, le rejoignent, l’entourent et chantent avec lui.
Le concert se clôture par une série de classiques : Patrick traverse la foule, rejoint un piano au milieu de la fosse et joue J’te l’dis quand même, Pour la vie, et le tendre Le fil sur la relation père-fils qu’il conclue par une note attentionnée envers ses fils au premier rang dans la salle. Retour sur la grande scène. Casser la voix. Ça sent la fin, c’est un rituel ! Retour en backstage et dernier tour de chant avec Je l’ai fait cent fois. On reviendra cent fois