Le début. C’est ce par quoi Nikola aimerait commencer. C’est comme ça qu’il se présente, à nous, son public, en nous présentant son premier EP, Une Saison en enfance sorti le 3 décembre 2021.
Un projet intime et universel, qui voyage entre émotions et grandeurs d’échelles. Il s’empare de sujets tels l’amour, dans Toute la vie, le travail, dans C’est Magnifique, les origines dans Bohémien, sa mère et son combat contre le cancer dans A l’eau, où encore Besançon (Besak pour ceux qui savent), la ville où il a grandit dans Au bout de ma rue qui ouvre l’EP.
« J’ai eu une enfance beaucoup moins dure que plein de gens qui meurent de faim et qui vivent dans la guerre mais elle m’a beaucoup marqué et traumatisé. Je savais que j’avais un truc à régler personnellement à propos de ça et je me suis dit que ça serait une bonne chose que le premier projet que je sorte soit sur ce thème. »
Nikola. Son nom, ce qu’il est. Ce que vous pourriez prendre pour une faute de frappe, c’est son histoire, son parcours, son identité. Ou du moins une partie de ce qu’il a à raconter. Sa famille vient du Montenegro, un pays des balkans en Europe du sud, qui borde notamment la Croatie. Ce « k » englobe une partie de lui même, ses origines, dans lesquelles il puise pour mieux avancer. Cette provenance est également une des raisons indirectes pour lesquelles Nikola fait de la musique et écrit.
« Dans ma famille ils ne parlent pas français. Il y a une sorte de distance avec elle où on ne parle pas de ses sentiments. On ne dit jamais ce qu’on ressent aux gens qu’on aime. C’est un quelque chose qui m’a marqué, construit. Je voulais en parler dans cette chanson –Bohémien. »
Voici ce qu’il précise quant à son besoin d’écrire.
« J’ai commencé à écrire des chansons et des poèmes parce que je n’arrivais pas à dire les choses aux gens avec des mots. La seule manière pour moi de faire c’était d’écrire. La forme poétique rend les choses plus abordables. Tu ne dis pas forcément tout directement. »
Sa musique est pleine de substance. On pourrait la toucher tant elle nous remue. En douceur, malgré la profondeur des textes qui peuvent être très puissants. Très sincères, nus, réels. On se reconnaît, nous ou un ami, un semblable. C’est humain, comme peut l’être une rencontre. Le temps de l’écoute de l’EP, on se confronte à la rudesse de la vie mais aussi à sa beauté. A sa fatalité, à sa force. Nikola nous emmène loin avec ses mots, ses morceaux.
Un jour, en scooter avec un ami, ils ont failli mourir d’un accident. Il en tire une conclusion.
« Je me suis dit « Il y a plein de choses que je n’ai pas dit aux gens que j’aime. » Et si j’étais mort ce jour là ça aurait été vraiment dommage de ne pas avoir dit ces choses là. Il ne faut pas les remettre au lendemain. Même si c’est avec des chansons que je le dis, il faut que je le fasse. »
Et s’il devait y avoir une raison supplémentaire pour laquelle Nikola fait de la musique, voici ce qu’il dirait.
« Le rôle de ce que je fais c’est de poser des mots sur les choses. Parfois je n’en ai même pas conscience. C’est de proposer un angle de vue sur quelque chose qu’on connaît déjà, ou qu’on ne connaît pas encore. »
Tous les morceaux d’Une saison en enfance vont crescendo, les tons sont en dualités. C’est doux puis progressivement ça devient brutal, presque douloureux, agressif. Viscéral. Jusqu’à ce que la fin du morceau laisse de nouveau place au silence. A un calme aussi violent que ce qui l’a précédé.
Par rapport à l’image qu’il a de son métier, d’artiste, de chanteur, Nikola est entre deux réalités.
« Je suis toujours étonné de me dire chaque jour : c’est ça mon métier. Je le considère comme un métier, c’est très important, c’est avec l’art qu’on change le monde, mais c’est beaucoup moins concret que les gens qui ramassent nos poubelles, qui fabriquent nos vêtements. »
Venant d’une famille d’un milieu prolétaire, ouvrier, la conception de la musique comme quelque chose d’utile, de justifié en tant que travail n’est pas évidente. Pour lui la musique est un « besoin d’expression qui s’affine avec le temps. »
Je n’aurais qu’une chose à dire pour terminer cette interview : allez vous frotter à la plume de Nikola, vous en aurez la chair de poule. Sans parler de sa présence scénique qui se répand dans toute une pièce en l’espace de quelques secondes. On sent tout de suite une énergie, quelqu’un qui transpose des expériences, des sentiments. Ecoutez son projet ou venez le voir en live, ou faites les deux, mais ne passez pas à côté d’une telle découverte !