Depuis la sortie de son 3e album « Curio City », Charlie Winston s’est servi de sa notoriété pour parler des problématiques qui lui tiennent à coeur, notamment le climat et la cause des migrants. Il a d’ailleurs réenregistré son titre « Say Something » au profit de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et vient de sortir une vidéo suite à son déplacement à Calais à la rencontre des migrants.
De passage à Paris durant quelques jours, j’ai eu l’immense plaisir d’échanger avec lui sur l’actualité et ses projets en cours, pour une interview très engagée.
D’après les infos que tu as, que penses-tu du déroulement de la COP21 ?
Ça ne semble pas trop mal, j’ai l’impression que l’on s’approche de quelque chose. J’ai signé et relayé la pétition pour encourager les pays les plus puissants à aller jusqu’au bout de la démarche et de mettre la barre très haute. Je ne peux pas imaginer qu’ils ne vont pas réussir à trouver un accord. La terre est la seule chose que nous avons, il me semble évident qu’il faut trouver une solution pour la préserver, j’essaie donc de rester optimiste. L’humanité peut être si belle et si horrible à la fois, tout dépend de qui est au pouvoir. Il m’est d’ailleurs arrivé de me demander si tous ces pays réunis n’étaient pas également venus pour parler d’autre chose, comme si le changement climatique n’était qu’une façade. Au final, nous ne pouvons pas savoir quels sont les réels enjeux de chacun durant cette rencontre… Mais bon, pour l’instant il n’y a rien de concret, donc on verra.
Tu avais prévu de jouer durant la COP 21 ?
Oui, je devais jouer pour UNESCO, mais tout a été annulé suite aux attentats. Néanmoins, la semaine dernière j’ai collaboré avec la plateforme Place To B, ce soir je vais faire quelque chose avec Laurent Godard pour son projet Flateurville et je vais également aller au Bourget pour jouer quelques chansons pour Avaaz.
Justement, lors de ton dernier passage au Trianon, tu as beaucoup parlé de ton engagement avec Avaaz. J’ai senti que c’était une vraie démarche personnelle, et non pas un simple parrainage.
En fait Avaaz ne m’a pas invité, c’est moi qui leur écris. Je les suivais depuis 5 ans et je voulais m’investir davantage, être plus actif. Quitte à avoir un statut de célébrité, je voulais que ça serve à quelque chose.
Cet investissement dans les projets humanitaires, c’est quelque chose de nouveau pour toi ?
Je me suis toujours senti concerné, j’avais déjà pris l’habitude d’en parler et de relayer des infos sur les réseaux sociaux. Il se trouve que j’ai une voix et un système de communication qui est suivi. J’aimerai voir plus d’artistes utiliser leur statut pour soutenir différentes causes. Un artiste a tellement d’attention, mais tout n’est que pour lui. Selon moi nous sommes tous citoyens de cette planète qui est en train de mourir. Nous sommes responsables de ça, je me sens donc personnellement responsable et je vais essayer de la sauver.
Ton statut de célébrité peut aussi être un handicap par moments, il arrive que l’on ne te prenne pas au sérieux ?
Je ne pense pas à ça. Enfin, plus maintenant. J’y ai pensé lors de la création de la vidéo, pour savoir comment la faire. La façon dont elle allait être présentée était très importante, car elle pouvait facilement être mal interprétée. Je tenais vraiment à aller rencontrer toutes ces personnes à Berlin, Calais… Mais je ne voulais pas que la vidéo ressemble à un mélange d’images de journal TV. J’ai fait le choix et pris le risque de m’impliquer, c’était très important pour moi. D’ailleurs pour être pris au sérieux justement, j’ai réalisé qu’il fallait que je change la chanson et non pas utiliser celle de l’album, sinon cela aurait ressemblé à de la promo facile. Je voulais être sûr d’avoir fait tout ce qui est en mon pouvoir pour que ça reste authentique. J’ai d’ailleurs parlé de ça avec Peter Gabriel, je l’ai appelé pour lui dire « Pete, tu fais ça depuis longtemps, je sais que des personnes cyniques vont me tomber dessus avec cette vidéo, comment tu arrives à gérer ça ? » Et il m’a répondu : « s’il y a bien une chose que j’ai apprise avec le temps, c’est que peu importe ce que tu essaieras de faire, ils te tomberont toujours dessus, car ils n’attendent que ça. Tu ne peux pas l’éviter, mais ce n’est pas une raison pour ne pas le faire ». C’était un très bon conseil.
Tu as eu de mauvais retours au final ?
Pas directement. Pour 2 raisons : la première c’est que ces personnes se cachent. D’ailleurs sur YouTube, certaines écrivent des choses vraiment horribles, mais aucune n’a le courage d’afficher une photo de profil, c’est assez ironique. La seconde, c’est que je ne pense pas créer un débat ou un combat. Je me contente seulement de montrer une situation telle qu’elle l’est.
À Calais, qu’as-tu ressenti en découvrant la situation de tes propres yeux ?
J’ai eu le sentiment de marcher dans un pays en guerre, avec d’horribles conditions de vie. Mais au final je ne me suis pas vraiment concentré sur les conditions de vie, mais sur les personnes. C’était très simple de parler avec eux. Nous parlions naturellement, comme nous sommes en train de le faire. On rigolait, on parlait de tout, on se montrait des trucs sur nos téléphones… Comme le font les gens ordinaires. Peu importe la langue ou la religion, nous n’étions que deux personnes en train de discuter, c’était aussi simple que ça. Au final, tant qu’on ne fait pas la démarche de se rendre sur place et vivre les choses, notre opinion n’est pas complète, quoi qu’on en dise ou pense, on ne sait pas. Pendant que l’industrie de la musique cherche à organiser un événement, à faire travailler des artistes ensemble pour un événement caritatif, j’ai pris un caméraman et j’y suis allé. Au final tout le monde en parle, mais personne ne dit rien.
On peut dire que le message de la vidéo c’est : n’ayez pas peur, allez à leur rencontre et essayez de comprendre ?
Laisse-moi te demander : pour toi quel a été le message lorsque tu as regardé la vidéo pour la première fois ?
Que nous sommes juste égaux.
C’est tout à fait ça. C’est un message simple, mais il ne faut rien de plus. Car c’est déjà très difficile à comprendre pour beaucoup de monde.
Il y a d’autres causes dans lesquelles tu vas t’impliquer ?
J’ai fait beaucoup de choses durant ces derniers mois, je vais en faire d’autres, mais je ne veux pas non plus me perdre dans l’humanitaire. Je suis avant tout un artiste, c’est mon métier et je veux essayer d’être bon là dedans. Je veux que ça reste un projet parallèle, un projet personnel dans lequel je ne me sens pas contraint, sinon ça n’a aucun sens.
Certains artistes essaient de réduire l’empreinte carbone de leurs concerts, es-tu dans cette démarche ?
Pour tout te dire, c’est très difficile de faire ça en France. La France n’est pas vraiment préparée au changement climatique. Il y a encore un gros travail à faire sur l’éducation à mon avis, afin d’expliquer où va le monde. La France aime regarder derrière elle, ce qu’elle était, ce que sont ses traditions, etc. Pour te donner un exemple de la situation, j’ai parlé avec un Tour Manager qui s’était occupé d’une tournée de Radiohead en France. Ils voulaient faire une tournée entièrement neutre, ils ont donc cherché à réduire leur empreinte écologique au maximum. Ils ont mis en place un immense système de recyclage du plastique, car forcément, leurs concerts accumulent des tonnes de plastique. Sauf qu’à la fin des concerts, tout le plastique finissait par se retrouver dans une benne à ordures classique, parce qu’il n’y avait pas d’autre solution à ce moment-là. C’est vraiment très triste, d’autant plus que ce n’est pas si vieux. J’y ai pensé pour mes tournées, mais quand j’ai découvert ça, je me suis dit que ça n’avait pas d’intérêt. Pour autant, ce n’est pas une raison de ne pas le faire, c’est une raison d’en parler et de chercher à changer les mentalités sur ce genre de choses.
Pour suivre l’actualité de Charlie Winston et ses nombreux engagements, rendez-vous sur : charliewinston.com