Entretien avec Boulevard des Airs

A l’occasion de la sortie du nouvel album du groupe Boulevard des Airs « Loin des yeux », Sylvain et Florent répondent à nos questions. 

Bonjour Boulevard des Airs, tout d’abord comment allez-vous en cette période tumultueuse ? 

Sylvain : C’est une période vraiment particulière, un peu tendue même sans même parler de notre métier, des sorties d’album des concerts … juste pour la vie en général. Malgré cela, ça va !

Et justement sortir un album actuellement, ça ne vous fait pas peur ? 

Florent : On n’a pas vraiment réfléchi au niveau stratégique : cet album ne devait pas naître, on devait faire les zéniths en Mars 2020 mais avec le confinement la tournée a été stoppée en plein milieu, puis il y a eu ces longues semaines à la maison, l’annulation des festivals d’été… Nous, on a écrit et composé à la maison et ça a permis de produire un album qui va sortir vendredi. En aout on avait une trentaine de chansons et on s’est demandé “qu’est-ce qu’on en fait ?”, elles étaient écrites on avait envie de les partager. Ne sachant pas ce qu’allait être l’année 2021 on s’est dit qu’on les sortait et qu’importe si on refait des concerts dans un an ou dans trois mois. La vie continue, les gens ont envie d’écouter de la musique et ça permet de montrer aux gens qui nous suivent qu’on est toujours là. 

Sylvain : C’est une manière pour nous de transformer ce qui était ultra négatif en positif : faire des chansons, les partager, entrer en contact aussi. Avec le confinement on a utilisé Instragram où on allait jamais à l’époque, on a montré l’intimité du groupe, les gens ont apprécié cela. L’intimité c’est justement le thème de cet album. L’idée c’est de transformer ce qui était rude et le partager avec les gens. 

Toutes les chansons étaient écrites ou elles ont été faites pendant le confinement, après ? 

Sylvain : Tout a commencé avec les duos pendant le confinement où on partageait avec d’autres artistes et des amis des chansons. Ça nous a donné l’idée de revisiter nos propres chansons avec des artistes, de les inviter dessus. La première a été Lola Dubini, puis Jeremy Frérot qui à distance nous envoyait des enregistrements. Ça nous plaisait tellement qu’on s’est dit qu’on allait pousser le truc à fond et on a demandé à tous nos potes s’ils étaient chauds et ce qu’ils voulaient chanter. Cela a pris plusieurs mois, au début on était confiné puis au déconfinement on a pu commencer à se déplacer. On a continué à écrire et ensuite ce sont des nouvelles choses qui sont nées, rien n’était fait. On a récupéré plein de sons, de prods, d’archives, de textes, de refrains, d’idées … et on s’est retrouvé avec une trentaine de chansons. On avait l’impression qu’il y avait une cohérence dans tout ça : en une fois on présentait notre parcours, nos potes, notre histoire. On avait un objet pas mal pour se présenter, Boulevard des Airs, c’était ça, c’est ça et on espère que ce sera autre chose après cette période. 

C’est un album très intime, moins musical, les paroles sont d’autant plus importantes, c’était important pour vous de retrouver cela à ce moment là ? 

Florent : Ce n’était pas prévu mais c’est vrai que l’idée nous a été soufflée beaucoup par les gens. Le grand public a découvert le groupe avec “Bruxelles” alors qu’il est né en 2004 et pour les gens qui nous connaissent depuis un peu plus longtemps, qui entendent notre histoire nous disent que c’est dommage qu’on ne connaisse pas notre histoire, celle du groupe de collégiens-lycéens qui s’est créé, ne s’est jamais séparé, a gravi les étapes les unes après les autres. Le groupe n’est pas né d’un coup pour se retrouver sur les plateaux télé et c’est vrai que cette histoire on ne l’a jamais racontée. Nous l’avons en tête, on pense que les gens aussi et puis avec les lives pendant le confinement on s’est rendu compte que les gens adoraient qu’on leur parle de qui on était donc ça nous a guidés. Et puis on est aussi un groupe, on n’a pas qu’une identité donc les gens ne nous cernent pas si facilement qu’un seul artiste comme Vianney, Matthieu Chedid qui ont une personnalité. Un groupe on ne sait pas vraiment qui c’est et plus on parle de nous plus les gens se rapprochent. Faire un album ainsi ça nous permet de nous rapprocher des gens et de dire qui on est, de se présenter. 

La temporalité a un aspect très important et vous le laissez entendre, qui vous étiez, votre parcours, vers quoi vous allez … 

Sylvain : Avec cet album on ouvre notre journal intime, notre carnet de bord, on ne pourra pas refaire deux fois quelque chose comme ça. C’est sorti comme ça, spontanément, et c’est comme ça qu’il faut que se soit. 

Ce titre justement, « Loin des yeux », on a presque envie de compléter avec “près du coeur”, à qui va cette expression ? 

Sylvain : Tout le monde. Nous, déjà, on a travaillé à distance ; pour nos invités qu’on n’a pas pu voir pour la plupart ; pour les gens qu’on ne verra pas pendant longtemps. Cet album s’adresse à  nos fans, aux gens qui nous suivent, ceux qui nous connaissent pas … ils sont tous loin des yeux. 

Tout le monde reconstruit la phrase, c’est une déclaration avec plein de facettes. Ils restent près de nous. Plein de chansons se rapportent à cela dans l’album. 

Comment s’est passé la collaboration avec les artistes avec qui vous travaillez, pourquoi ces noms ? Des amis ? Des artistes avec qui vous vouliez travailler mais sans avoir de lien particulier ? 

Florent : Ça s’est fait naturellement. Ce ne sont que des gens avec qui nous avions déjà des liens particuliers et qu’en dehors de la musique on apprécie. Chacun a aussi son histoire dans la nôtre quelque part, ce sont des gens qui ont marqué l’histoire du groupe, parce qu’ils sont très connus, des gens inconnus et de même pour nos musiques. On reprend par exemple « Cielo Ciego », une chanson d’il y a dix ans avec Les Soeurs Doya qui sont totalement inconnues jusqu’à « Allez reste » qui a été aux Victoires de la Musique, ou « A côté de toi » aux Enfoirés 2020. Notre parcours est résumé dans cet album là. Tout correspond à cette ambiance introspective, ce carnet de bord du duo qui vient raconter son histoire qu’avec des gens qu’on connait et apprécie. On a toujours aimé partager la musique avec d’autres artistes et je pense qu’on continuera à le faire. On est ravi d’avoir tous ces noms-là. 

Sylvain : On n’a même pas pensé à faire des duos avec des gens qu’on ne connaissait pas, c’était vraiment entre amis. 

Ça aurait pu être des envies de travailler avec des gens que vous ne connaissiez pas mais que vous admiriez et qui ont participé à ce que vous êtes aujourd’hui. 

Sylvain : Il y a quelque chose de rassurant dans cet album, les vieux dossiers, les archives, les copains. 

Florent : on livre entièrement notre histoire et peut-être que ça aurait pu être une pièce rapportée que de contacter des artistes hors de notre cercle privé. On a toujours eu des duos sur nos albums ainsi que sur scène et ça a toujours été avec des gens qu’on connaît. 

Il y a aussi la chanson « Abécédaire » où vous citez de nombreux artistes, qui sont-ils ? Des modèles, des amis, les deux ? 

Sylvain : Des influences. Cette chanson évoque la difficulté qu’on a toujours à répondre à la question “quelles sont vos influences ?”. On voit bien dans cette réponse que c’est infini, il y en a une bonne centaine comme on dit et surtout ça passe du tout au tout. Là c’est dans l’ordre alphabétique et on se rend bien compte de la diversité, de Balavoine aux Red Chili Peppers. Le lien c’est que tout ça nous a formés. On peut piocher pour répondre à la question maintenant ou fournir la liste (rires). Mais il y a des oublis malheureusement … 

Comme ? 

Sylvain : Zebda, et je m’en veux, je le reconnais. Faut les rajouter à la fin. 

Le “voilà” ne marque donc pas la fin de la chanson … 

Sylvain : Non, il y a une suite (rires). Abécédaire 2. 

Pour vos duos comment avez-vous choisi quelle chanson allait correspondre à quel artiste ? Est-ce discuté ? Est-ce selon la personnalité ? Des envies des invités ? 

Sylvain : Un peu de tout ça. Ça s’est fait très naturellement. Pour certains ont leur a demandé “est-ce que ça te dit de chanter sur ça” ? D’autres “sur quoi veux-tu chanter” ? Tout le monde était content de ce qu’il avait. 

Florent : Le tout était très cohérent, chacun appréciait travailler sur sa chanson. Par exemple Jeremy Frérot sur « Je me dis que toi aussi », les soeurs Doya sur une chanson avec de l’espagnol, un peu de pop électro pour « Bruxelles » avec Lunis. 

Sylvain : Gauvain Sers est le parfait exemple, on lui a envoyé un message pour lui proposer de participer à l’album, il est ok, on lui dit de choisir une chanson. Nous on avait très envie qu’il nous accompagne sur « Mamie » mais on lui dit rien, et quelques jours plus tard il nous répond cette chanson. Ça tombait bien on avait presque déjà commencé à travailler pour lui dessus (rires). C’est pour te dire à quel point tout a été très naturel. 

Les nouveaux arrangements avaient déjà été prévus avant ou pour et avec les artistes à qui les chansons allaient ? 

Florent : Plutôt par rapport aux artistes mais comme tout était cohérent dans nos têtes on avait déjà prévu des arrangements qui pouvaient aller avec telle voix et personnalité. L’artiste est un invité, on le met en valeur, mais il fallait aussi faire peau neuve sur ces chansons pour que ça ait de l’intérêt. Les gens vont découvrir un nouvel adage sur ces sons purs que ça soit de nouveau plaisant à découvrir. 

Sylvain : Certaines chansons avaient déjà tellement une vie remplie par des reprises, des arrangements on se demandait parfois comment on allait encore pouvoir leur apporter de la fraîcheur …

Vous avez une chanson coup de coeur chacun sur ce nouvel l’album, une chanson qui vous parle ? 

Florent : La première ? 

Sylvain : Ouais moi aussi ça serait celle qui ouvre l’album, la première page de ce livre, la genèse du projet qui est aussi un grand merci à tous les gens qui nous suivent, les visages qu’on a pu croiser, les salles qui nous ont accueillies pendant toutes ces années.