Bon. Pendant que toute la France rapophone écume l’incroyable nouvel album de SCH, je me concentre sur Justice, celui de Justin Bieber sorti vendredi 19 mars.
Justice. A quel titre ? Engagé ? Dans quoi ? Pour qui ? S’il y a bien une chose qui ressort du nouvel album de Justin Bieber, c’est son manque de clarté. Plein de promesses, chargé d’espoir, qui se veut salvateur, ce projet part un peu dans tous les sens. Il n’empêche que malgré ça j’ai apprécié l’album.
Dans l’ensemble et purement musicalement, je le trouve très joli, bien mené et plaisant à écouter. C’est loin d’être un chef d’œuvre et j’en attendais davantage de la part de Justin, mais c’est beaucoup mieux que Changes sorti il y a environ un an. Une énorme tache sur sa discographie à mes yeux. Je vous mets mon article sur le sujet juste ici.
Avec Lonely en featuring avec Benny Blanco, Holy avec Chance the Rapper ci-dessous, ou encore Anyone et Hold On, tout était là pour me laisser penser que Justice serait réussi. Ou en tout cas, qu’il remonterait le niveau de l’album précédent, qui m’est vraiment resté en travers de la gorge.
D’abord le titre. Je le trouve tout à fait plan plan et accrocheur. « Justice » pour un nom d’album ça fait vite prétentieux, risqué presque. Surtout venant de lui. Depuis deux ans qu’il répète à toutes les sauces dans toutes les interviews qu’il a pu faire la paix avec lui-même, qu’il a trouvé la foi, que Dieu est auprès de lui et bla bla bla. Pas que cela me gêne ou me déplaise, cela importe peu de toute façon. C’est juste que je continue de penser que depuis Changes, depuis son « retour » Justin a radicalement changé. J’explique mon point de vue sur l’article dans le lien plus haut, mais voilà : il clame partout qu’il est une meilleure version de lui même, qu’il est heureux que tout va bien. Qu’il a Dieu, sa femme et ses proches et qu’il est de retour. Mais quel retour !
Les chansons sont à mon goût c’est certain. Cela ne suffit pas à recouvrir leur ressemblance, leur redondance et leur sujet unique avec trois mots de vocabulaire : amour, Dieu et femme. Vous avez compris. Il aime Dieu et il aime sa femme et il aime l’amour. D’accord. Dans ce cas pourquoi faire une communication basée sur le fait de « ramener de la justice dans ce monde qui en a si peu » (je reformule un petit peu son post instagram) ? Attention ! Justin précise bien qu’il est conscient que sa douce voix ne sera jamais d’une aide visible, concrète et significative, mais il veut faire sa part. Très bien. Donc cet album est un album ENGAGÉ.
N’ais-je pourtant pas dit quelques lignes plus tôt que tout ce dont parle Justice c’est d’amour, d’amour et encore d’amour ? Saupoudré d’eau bénite et animé par quelques invités. Il ne faut pas oublier que le T de Justice, écrit en gros sur la pochette de l’album est en forme de croix. Biblique. Et pour en remettre une couche – sur l’aspect engagé ou religieux je ne saurais vous dire – des passages de discours de Martin Luther King sont présents dans l’opus. Pourquoi ? A part faire bonne figure ou suivre cette apparente logique de foi inébranlable je ne sais pas. Oui MLK était pasteur, mais je ne m’étendrais pas sur cette blague, qui est d’ailleurs trop longue et pas si drôle que ça.
On ne sait plus ce qu’on écoute. Un album en hommage à sa femme Hailey et l’amour qu’ils se portent ? Ou une bouffée d’air frais pour ceux qui l’écoutent ? Ou encore un album qui se veut unificateur d’une nation voire d’un monde qui part en poussière ? Eh bien c’est un mélange. Il faudrait pourtant choisir, puisque le résultat c’est qu’à force de mêler tous ces sujets, plus aucun ne fait sens.
C’est très gênant d’écouter les grands discours d’un des plus illustres représentants des belles valeurs auxquelles ce piteux monde aspire, coincé entre deux sérénades qui n’ont strictement rien à voir avec ce de quoi parle l’extrait. L’extrait, aussi pertinent soit-il de part notre contexte, me fait plus penser à un message qui concernerait Justin personnellement, plutôt qu’artistiquement. Je ne comprends pas ce que ça apporte à l’album. On enchaîne les morceaux doucereux, la larme à l’œil pour les plus sensibles et comme ça, sans prévenir, la voix tonitruante et envahissante de MLK nous fracasse les tympans. Non pas par ce qu’il dit mais bien par sa place dans l’album. Ca ne va pas ensemble ! Le ton et le discours ! Le message est complètement discrédité, brouillé, bafoué presque. Ce qui la fiche un peu mal quand on dit vouloir faire un album engagé et que l’on est à ce point garant d’une communauté.
Assez parlé forme, parlons fond. Ou l’inverse je ne sais plus.
Ce qui me plaît dans cet album ce sont d’abords les chansons. Encore heureux. Sur 16, 4 ne sont pas à mon goût. Je ne réécouterais pas l’album 100 fois, mais il fait très bien son job. Elles sont similaires c’est vrai mais elles sont touchantes.
Unstable avec The Kid Laroi, Holy, Peaches avec Daniel Caesar et Giveon sont tout à fait réussies. De même pour Lonely, 2 Much ou As I Am avec Khalid. Ce que je trouve très bien aussi c’est comment est structurée la tracklist. Divisé en deux parties par l’extrait de MLK, on en trouve une calme et apaisante, un poil morose tandis que l’autre est bien plus positive et énergique. Ca fait son effet. Je n’ai pas grand chose à ajouter pour la partie musique, je pense m’être assez expliquée sur l’atmosphère de l’album.
Très peu d’interviews étaient disponibles sur le net, sûrement du au court délai écoulé depuis la sortie de Justice. Il me paraît également trop tôt pour savoir si l’album est bien accueilli par le public ou pas, en dehors de mon propre avis, je ne m’étalerai donc pas non plus là-dessus.
Ce qu’il me reste à dire et qui me semble important à aborder, c’est un live qui m’a interpellé. Tiny Desk, une chaine Youtube de concerts en ligne produits par NPR music, qui fait fureur depuis deux ou trois ans et fait honneur à Bieber pour la sortie du projet. A moins que ce ne soit lui qui leur fasse honneur de sa présence. Bref.
Ce live de 15 minutes appuie tout ce j’ai pu dire et résume très bien mon article en images. On y voit donc le jeune canadien de 27 ans s’adonner à un concert réduit dans le temps mais qui tient la route. Holy, Peaches, Hold On et Anyone sont joués. Comme on dit, la musique est bonne, par contre je ne peux pas m’ôter de la cervelle que Justin ne va pas bien. En soi on s’en fiche, Justin est chanteur pas autre chose. Seulement, quand on s’acharne à porter un message positif, rassurant, ou carrément mélioratif et que l’on se présente à des centaines de millions de fans (environ 165 followers sur Instagram), que le renouveau, l’évolution en bien, et la stabilité sont des messages diffusés et répétés, je tique. Ce live est magnifique. Il est très bien. Mais Justin transpire le mal-être. Des poses étranges, des mouvements gênés, une attitude mystérieuse et malheureuse. A part la voix, selon moi, rien ne va. Et que peut-on savoir, que peut-on connaître du vrai et du faux, du mal et du bien à travers des écrans ? Séparés par des milliers de kilomètres ? Par la profondeur de l’océan et les hauteurs de la célébrité ? De l’argent ? Aucun doute, ce n’est absolument pas moi qui puisse avoir un avis fondé sur le bien-être de Justin. Ou une légitimité, un droit, même. Ce n’est pas même le centre de cet article, bien qu’il me semblait nécessaire de mettre cela en avant.
Pour clore cet article qu’il me tenait à cœur de faire, je dirais que Justice est un bon album. Je l’ai écouté et je le réécouterais. Ce que je n’ai pas précisé, c’est qu’en repensant à tous ses tubes mais pardessus tout, à tout ce qu’il a pu me faire ressentir avec des morceaux tels que Somebody To Love ou plus tard, Cold Water, I’ll Show You ou What Do You Mean, je sais que soit il peut faire mieux, soit il a perdu l’essence, le zeste de son fruit musical, si vivant, émouvant et vitaminé, qu’on pouvait écouter il y a de cela quelques années.
Pas de panique, il a encore le temps de nous étonner et de grandir, de se fortifier, si mon impression correspond à la réalité.