« J’ai le rap français sous mes pieds, rappeur français c’est un sous métier » Intro Clandestino, Lartiste
Lartiste, de son vrai nom Youssef Akdim naît le 4 juillet 1985 à Imintanoute au Maroc, à quelques kilomètres de Marrakech. Ayant toujours été un amoureux de la musique, il s’y lance définitivement vers ses 18 ans pour devenir quelques années plus tard, un véritable phénomène musical, en France et bien au-delà.
ENFANCE
Jusqu’à ses 6 ans Youssef grandit au Maroc avec sa mère. Il est dès sa naissance confronté à la misère, et ne voit pas son père, parti travailler en France. C’est en 1991 que lui, sa mère, ses deux grandes soeurs et son petit frère, rejoignent le père de famille en métropole. Son père ayant été peu présent à cause de son travail, le jeune garçon grandit dans un foyer principalement constitué de femmes. Il ne cesse d’ailleurs de rendre hommage à la gent féminine et de la mettre en avant tout au long de sa carrière. Une fois en France, plus précisément à Bondy Nord en banlieue parisienne, Lartiste découvre un nouveau monde. Pas si clément ni si doré que ça au final. Non seulement il doit faire face aux discriminations et à la xénophobie, mais aussi à une misère autre que celle qu’il a connu au Maroc. Il arrive qu’il reçoive des moqueries à l’école, notamment à cause de son accent prononcé, qui lui vaudra un surnom peu flatteur. Il dit toujours faire face au racisme aujourd’hui ou à travers sa carrière, mais d’une manière plus « subtile ». N’ayant aucun doute sur sa passion pour la musique, Youssef quitte les cours autour de ses 18 ans pour s’y consacrer pleinement.
PORTRAIT
Ne vous méprenez pas, Lartiste a beaucoup d’amour pour Bondy, l’endroit dans lequel il s’est intégré et a grandi et dont il garde de bons souvenirs, de belles rencontres et de bons moments. C’est à la majorité qu’il se choisit le nom de Lartiste en référence, pour le dire simplement au film Heat de Michael Mann sorti en 1995, même si ce n’est qu’un élément parmi d’autres qui détermine ce choix. Ce nom de scène est un leurre, car il n’a d’artiste que le nom, il est « un humain qui fait de la musique », il tient à garder une certaine distance par rapport à cette appellation. Que ce soit bien clair, Youssef est un artiste en terme de création, mais pas en terme d’identité. Il a en horreur l’image fantasmée de l’artiste, de la star, qui malgré ses centaines de millions de vue et le succès qu’il a pu rencontrer, ne le définit en aucun cas. Très attaché a la simplicité et allergique au mode de vie et à l’état d’esprit dans lequel il a un moment failli basculer, sous les étourdissements des sommets, il est avant tout un homme parmi tant d’autres et ne cesse de le rappeler. Que ce soit bien clair, lorsque j’intitule cet article « Lartiste, star malgré lui … » je veux dire, non pas qu’il rejette le succès et la notoriété mais qu’il ne se retrouve en aucun cas dans la position de star. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir de l’ambition, simplement il ne veut pas basculer du côté obscur de la farce que peut-être le showbiz musical.
« Tu peux être quelqu’un de bien dans n’importe quel milieu mais le principal c’est de ne pas devenir quelqu’un de mauvais à cause de ce milieu » Lartiste, interview Rapelite, 2016
Il n’en oublie pas pour autant ses obligations en tant que personnalité publique et se plie quand il le faut aux exigences de son environnement de travail. Il assume la voie qu’il a choisie. Lartiste aime les choses simples, il est curieux, croyant et ouvert d’esprit. Son appétit culturel est grand et totalement assumé. Pendant longtemps tiraillé entre sa foi et son métier, ce qu’il cherchait et cherche toujours à faire présentement, c’est emmener les gens plus loin avec ce qu’il leur offre. Du moins pour ceux qui veulent bien. Chaque album et plus largement tout le chemin que trace et continuera de tracer Youssef avec sa musique est porteur de sens, de logique et chargé de réflexion. Même si le hasard peut être présent dans son processus de création, ce n’est pas ce qui caractérise son travail.Tous ses textes sont pensés et réfléchis. Il veut « inviter les gens au bon sens » sans pour autant se considérer comme un donneur de leçons. La seule chose qu’il donne il la propose à qui voudra bien la prendre et la comprendre.
Mari et père de famille, Youssef Akdim gère en ce moment son label Nudeal et se consacre à la musique sous plusieurs formes.
Voici Clandestina, un extrait de l’album Clandestino, sorti en 2016. Un très beau titre aux paroles simples mais suffisantes, sur les migrants clandestins.
A SAVOIR
- En 2000, vers ses 15 ans, Youssef forme un groupe de rap avec des amis, ils choisissent pour nom Malédiction (Mal et diction).
- En 2013, Lartiste sort son premier album, Lalbum. Ce devait être son premier succès, avait été produit et construit dans la rigueur et le dur labeur, mais des cafouillages au niveau du label font que le premier opus paraît plusieurs mois après la date annoncée et ne rencontre pas l’intérêt prévu. Symboliquement et affectivement, objectivement même, cet album représentait beaucoup. Ce coup le marquera tant qu’il se met en indépendant, et crée son premier label Purple Money.
- Le 14 mars 2018, il subit une agression particulièrement barbare qui lui vaudra un séjour à l’hôpital et qui changera fortement non pas sa personne mais son point de vue sur la célébrité et qui aura un gros impact sur sa carrière. Huit hommes l’ont battu, au-devant de son domicile. Il sortait tout juste d’un planète rap (émission culte de rap sur Skyrock), précédant une sortie au restaurant. Il était au summum et a basculé dans l’horreur et la stupeur, d’une façon on ne peux plus brusque. Suite à cette agression, il annule son concert à L’Olympia, qui comptait particulièrement pour lui, et doit même rembourser les frais du concert de sa poche. Dans une interview, Lartiste confie que l’album Quartier Latin qu’il défendait dans la période qui succédait à l’agression a été fait dans la douleur. C’est ce qu’il répond quand on lui demande pourquoi cet album n’a pas eu le succès attendu.
- Avant d’être rappeur, Youssef a été éducateur spécialisé via la musique. Il aidait des jeunes de quartiers dits sensibles à écrire des textes ou à faire de la musique.
- N’ayant pas bénéficié des réseaux sociaux dans sa jeunesse, il apprend la musique et sa diversité grâce aux concerts organisés en banlieue parisienne. De tous types et tous styles.
- Selon ses dires, la diversité dans sa musique vient en partie du racisme et de l’exclusion à laquelle il a pu faire face et fait face dans sa vie.
- La citation en début d’article fait référence au fait que les rappeurs soient traités comme des objets par leur entourage professionnel, et aux valeurs de ce milieu, auquel tous n’adhèrent pas. C’est aussi une façon de dénoncer la manière dont les rappeurs sont perçus par certains, ou dont ils sont traités dans les médias généralistes. Bref, derrière l’argent et le succès se cache une réalité bien moins glamour.
AMBITIONS
Lartiste s’intéresse énormément à l’Art. C’est quelque chose qu’il cultive et dont il se sert, au quotidien et dans sa vie professionnelle, et sur lequel il s’appuie lors de ses interviews. Avoir une bonne culture générale est pour lui un outil voire une nécessité. Tant qu’il peut s’informer, en apprendre davantage sur la musique et ce qui l’entoure, il le fait, presque comme un automatisme. Ou un devoir. C’est également un loisir et pour le coup, c’est son ambition la première que d’élever sa démarche artistique, sa musique avec tout ce savoir. Etre dans la subtilité sans non plus que ce soit évident. Il dit lors d’une interview que si quelqu’un aime vraiment ce qu’il fait, s’il se penche sur le travail de Lartiste, il en comprendra le fond. C’est là une part supplémentaire de son ambition en tant qu’être humain qui fait de la musique, comme il aime se qualifier.
Son autre ambition ultime, c’est d’être écouté partout ou plutôt que sa musique parle a tout le monde. Qu’elle dépasse les frontières, les préjugés, qu’elle soit à l’image de ses valeurs ou de son idéal quelque part. Lartiste est écouté en dehors de la France, c’est le moins qu’on puisse dire. Il saisit la moindre occasion de faire des featuring avec des artistes étrangers, spécifiquement de l’univers musical latino. On retrouve d’ailleurs de l’espagnol dans son tout premier album. C’est pari réussi puisqu’il a à plusieurs reprises une expansion de son public à travers le monde. Peut-être pas autant qu’il l’aurait voulu ou d’une façon trop éphémère, il n’empêche qu’il y est arrivé, le tout en restant naturel et fidèle à lui-même et à son public, ce qui pourrait rentrer dans cette liste non exhaustive de ses ambitions.
Pour finir, je pense, bien que ce ne soit confirmé officiellement nulle part, la nouvelle ambition de Youssef serait de continuer la musique. Comme Avant aurait du être son dernier album. Il en sort pourtant quelques mois plus tard une réédition, et pas des moindres. Une dizaine de titres supplémentaires. Sur la vidéo de l’interview où il clame haut et fort que cet album est le dernier, il laisse un commentaire sous la vidéo quelque temps plus tard disant qu’il « n’arrête rien du tout ».
DISCOGRAPHIE
- 2013 Lalbum
Pas d’invités
- 2015 Fenomeno
Invités – Clayton Hamilton, Dr Beriz, Double M
- 2016 Maestro
Clayton Hamilton, Double M, Melqa, Lefa
- 2016 Clandestino
Kazmi, Awa Imani, 7liwa,Kamelenouvo, Gianni, The Wind, Laguardia
- 2018 Grandestino
Caroliina, Kaaris, DJ Mc Fly, Hache-P, Gradur
- 2019 Quartier Latin Vol.1
Mizi, Karol G, Sofiane, Koba La D, Heuss L’enfoiré, Hamidu, Eva, Mr Eazi, Landy, Aymane Serhani, 7ARI
- 2020 Comme Avant
Nassi, Mizi, Sheyrine, Balti, Chily, Lyna Mahyem, Caroliina, DJ Vens-T, Bamby, Busy Signal, Da XL Team, Bramo L’Epicier, Sofia Mestari
Cette liste n’est pas terminée, puisque Lartiste semble ne pas avoir fini sa toile. De toute façon, cet article non plus ne l’est pas. Se voulant rétrospectif, une partie deux sera publiée. Elle sera centrée sur la musique de Lartiste et son processus de création, ainsi que sur son univers et son image.