Il fait beau. Caché dans les dédales de Paris, au creux des rues insoupçonnées, un joli jardin vert et ombragé m’accueille pour interviewer Denzo, jeune rappeur de Grigny sur le point de sortir La Pépite, son premier album.
Anciennement membre du groupe 3GC, avec plusieurs titres à son compte et deux mixtapes, Denzo finit les présentations et entame la longue conversation que s’apprête à être sa carrière avec ce nouveau projet. « La pépite doit sortir de l’ombre pour briller ! » C’est la première phrase qu’il prononce dans tout l’album, et ça le résume me dit-il. Dévoiler le bijou caché du 91.
Pas si caché que ça au final, puisqu’il a déjà une très bonne visibilité, un public stable et n’en est pas à son coup d’essai ! Seulement l’enjeu est plus conséquent que d’habitude, puisqu’il s’agit d’un premier album, qui plus est, d’un album solo.
Les oiseaux chantent, les masques tombent, l’interview commence. L’air pur et ambiant de l’extérieur permet la distanciation et le respect des règles sanitaires. Fidèle à lui-même, Denzo est serein, entouré, disponible. Je comprends tout de suite qu’il défend un opus auquel il croit. Non ! Ce n’est pas simplement croire. C’est en vouloir. C’est sortir ce qu’il a en lui pour raconter, pour s’exprimer. C’est donner un sens à toutes ces années de lutte pour se faire entendre, se faire comprendre.
« On n’est pas entendus, le rap c’est le seul moyen de faire passer notre message. De raconter ce qu’on vit, ce qu’on fait, je ne sais pas ce que je ferais si le rap n’existait pas » dit-il lorsque je lui parle de l’héritage rap de Grigny.
Denzo a la chance que beaucoup d’autres n’ont pas et il le sait. Il l’a cherché, il l’a voulu. Il l’a eu. Mais tout le monde, même talentueux, ne réussit pas forcément. Alors pourquoi douter ? Il travaille dur, nourrit sa passion et sa détermination, pour entretenir son ambition. Le résultat est là. Après de multiples projets pour se faire un nom, il veut construire autre chose. Plus fort, plus haut, plus juste et plus intime. Plus nuancé, sans que ça en devienne une comptine, pour élargir son public. En solo il nous introduit dans un univers sec et brutal, qu’il à l’habitude de dépeindre. Le tout sur des prods riches, variées, en total décalage avec son flow, qui apporte du changement et de la fraicheur. Il maîtrise le kickage, mais s’ouvre volontiers à d’autres registres. Il dompte les mélodies avec adresse. Une fois qu’il a son instru, il a le reste.
Ce que le rap lui apporte de meilleur, ce qu’il préfère, c’est la création d’un titre, du début à la fin. « C’est un ensemble ! » ajoute-t-il. Rooftop de SCH et QALF de Damso font partie des albums qu’il a le plus écouté dans les derniers mois. Il suit également ce qui se passe aux Etats-Unis, avec des artistes comme Future, Lil Baby, Young Thug et bien d’autres … On sent d’ailleurs beaucoup cette influence US dans l’album, et en particulier dans un de ses titres hors album : Bad Woo, le genre de son parfait pour l’été (clip ci-dessous). Le grand Fally Ipupa fait aussi partie de ses inspirations, cette fois plus en terme de mélodies.
Le plus impressionnant au cours de l’album, c’est qu’en apparence, tout coule de source. Quand il rappe les mots fusent, la technique est féroce, tout semble simple et naturel alors que c’est le fruit d’un travail de longue haleine.
Denzo s’imbrique à la perfection sur des featurings prestigieux pour certains, plus introductifs pour d’autres. Il m’explique que lorsqu’il invite quelqu’un sur son album, il faut que ce soit lui qui s’adapte à eux, qu’ils arrivent à « créer quelque chose ensemble ». C’est le cas. Les collaborations apportent une vraie plus value à l’album. Il nous embarque dans une atmosphère mi enfer mi paradis, avec un Heuss L’Enfoiré qui bascule entre un ton confiant et menaçant sur le titre 4 Saisons. Ca nous dépayse complètement, un vrai plaisir. Avec chaque artiste, on sent une véritable osmose. MIG sur On Smoke nous emmène loin, sur une prod qui nous laisse tous sans voix. Vive, presque lyrique, un espèce d’air de violon ou en tout cas de cordes, qui fait son effet immédiatement. De tout l’album c’est la prod qui m’a le plus saisit. Les deux rappeurs se l’approprient à merveille. On ne sait plus si on est dans le hood ou à un concert de classique à New York. Ronisia, une chanteuse originaire du 91, est sur le titre C’est comme ça. Très belle voix, un duo agile, et une participation féminine est toujours bienvenue.
Seul bémol, le titre Mama Léa avec Ferré Gola. Il est à mes yeux moins impactant que ce qu’il aurait pu être. Un très beau feat tout de même qui plaira sans doute à bien d’autres que moi. Vive la subjectivité. N’oublions pas Boule 8 avec Jok’Air qui nous perd encore une fois tant il est stellaire. Peu importe où Denzo nous porte, ou avec qui, la passion est là, et la qualité aussi.
« Je suis vrai, passionné, et bientôt riche » répond-il avec humour mais franchise quand je lui demande trois choses que l’on devrait retenir de lui.
Pleine d’émotions, d’ambiances, de performances, de surprises, de rencontres et de voyages, La Pépite brille et trace un chemin nouveau pour Denzo. Passé, présent, futur, tout semble lui sourire dans la musique et on lui souhaite la réussite qu’il mérite … Et qui l’attend au tournant, le 2 juillet 2021, la date de sortie de l’album ! Si vous voulez un aperçu, vous pouvez retrouver les titres La Pépite, On smoke avec MIG (clip ci-dessous), Cramé avec Bramsito qui sont déjà disponibles sur Youtube, avec clip à l’appui, ou encore Trop dedans avec Koba LaD, sur un clip très original qui ravira les cinéphiles.
Ca a été long, difficile et ce n’est pas fini, mais Denzo est là, et La Pépite également. Le filon grouille encore de trésors enfouis qui ne demandent qu’à être déterrés. Ca ne saurait tarder …