Une bombe d’émotions. C’est de cette façon que je définirais The Pinkprint, le troisième album studio de Nicki Minaj sorti le 12 décembre 2014. Dès la promotion de l’album, elle nous fait comprendre que celui-ci est différent des autres en allant jusqu’à dire que c’est le meilleur de tous ceux qu’elle a pu faire. Sortant de la bouche d’un tel monument de la culture Hip Hop/Rap des Etats-Unis, on ne peut que placer la barre haut, très haut. D’autant plus que Nicki, de son vrai nom Onika Maraj, rafle les prix et s’impose massivement comme une des rares femmes rappeuses de son temps aux Etats-Unis. En janvier 2019 elle a même été célébrée au Musée national de la culture et de l’histoire afro-américaine comme pionnière du hip-hop. Amie proche de Drake ou Lil Wayne elle multiplie les collaborations et enchaîne les tubes depuis 2010. Right Through Me en 2011, Fly en 2012 avec Rihanna, Starships, Anaconda, Bed ou FEFE pour les plus récents … Starships vous donnera une idée de la faculté de Nicki à varier les styles tout en gardant sa signature autant musicalement que visuellement.
Ce qu’il faut savoir pour mieux comprendre The Pinkprint c’est que Nicki Minaj est un personnage. Enfant elle se crée des identités pour s’extraire aux disputes récurrentes de ses parents. Ainsi naissent Nicki, Cookie ou Harajuku Barbie, alter ego avec lesquelles elle joue et se réfère dans toute sa discographie. Il en est de même pour ses accoutrements plus extravagants les uns que les autres, son maquillage et ses coiffures aux couleurs fantaisistes (comme la pochette de son premier album Pink Friday, ci-dessous). C’est bien la chose la plus frappante lorsqu’on voit la couverture de son troisième opus pour la première fois : plus de couleurs saturées, plus de petites tenues, plus de Nicki ! A la place une pochette très sobre, minimaliste, avec une empreinte digitale rose centrée sur un fond opaque. Point. Plus de personnage, de féminité exposée, mise en spectacle, fantasmée, exagérée. Nicki laisse place à Onika. Du moins à une version largement plus vulnérable d’elle-même, plus brute, sans artifices, ce que l’on ne lui avait jamais vu auparavant. Étonnamment The Pinkprint est loin de faire l’unanimité. Les critiques sont très enthousiastes tandis que les fans sont confus.
En plus d’être rappeuse, Nicki chante. Cette qualité est mise très en avant dans cet album. On découvre une voix claire, fine, lisse, qui contraste avec son flow habituel. Le rythme, le tempo est plus lent que dans ses autres projets. Dans une diction impeccable, même sans parler anglais on peut entendre chaque mot distinctement, ce qui est très agréable à l’écoute. Les prods saturées d’instruments, d’effets, de bruitages ont disparu. La voix est mise au premier plan et gagne en intensité, en importance. La qualité du son est bien supérieure également. Il est propre, net.
Tout cela fait de The Pinkprint un album qui se démarque de ses prédécesseurs et de ceux à venir. Queen, sorti en 2018 ressemble au projet de 2014 dans l’ambiance qu’il installe, il est cependant loin d’être à sa hauteur. Ariana Grande, Beyoncé, Skylar Grey, Meek Mill, Jeremih, … Nombreux sont les artistes invités sur l’opus, apportant chacun leur touche. Ils ajoutent de la consistance aux mélodies et distraient notre oreille. Vous faire la liste de mes morceaux préférés serait trop long puisque je les ai tous ingurgités tant je les ai écoutés. En revanche ceux que j’apprécie le moins sont Four Door Aventador et Anaconda. Je les trouve trop agressifs et pas assez nuancés, on a l’impression d’écouter une seule et même mélodie sur toute la longueur des titres. Cela ne m’empêche pas de les écouter malgré tout et d’apprécier l’album dans son intégralité.
Les clips qui accompagnent The Pinkprint sont eux aussi d’un autre genre. L’univers acidulé, explicite, outrancier se transforme en lumières tamisées, dans une atmosphère plus mature et raffinée. Ce ne sont pas des chefs-d’oeuvre, mais il est évident qu’un tournant a opéré. Pills N Potions en est un bon exemple.
Vous l’aurez compris The Pinkprint est un album surprenant, qui nous saisi du début à la fin ou qui nous laisse perplexe. Trop complexe ? Trop travaillé ? Trop prétentieux ? Ce sont des questions qui se posent seulement si l’on en sait pas quoi en penser ou si l’on ne l’a tout simplement pas digéré. Qu’on le considère comme une réussite ou comme un échec, il est bel et bien sur les plateformes et dans les esprits et s’il en venait à disparaître, Nicki elle, le garderait dans son coeur. Personnellement je qualifierais sans hésiter The Pinkprint d’album intemporel puisque je l’écoute avec autant de plaisir, même cinq ans après. Pour ceux qui connaissaient Nicki Minaj uniquement par sa plastique légendaire, vous pouvez maintenant voir ce qu’il y a à l’intérieur.