Jeudi 6 mars, pour sa nouvelle tournée, Matmatah passait au Zénith de Paris. Le groupe de rock originaire de Brest a sorti son sixième album Miscellannées Bissextiles en février dernier.
À vingt et une heures, la salle est plongée dans le noir avec, pour seule source de lumière, au fond de la scène, le logo blanc de Matmatah, un M en lettre minuscule. Dans l’ombre, Scholl s’installe derrière la batterie, à sa gauche, Julien prend possession du clavier. Devant eux, de gauche à droite, Léo le nouveau guitariste, Stan et sa guitare, Eric et sa basse.
Ils ouvrent avec Obscène Anthropocène, et, surexcité, le long de cette scène éclairées de spots orange feu, Léo enchaîne les allers-retours, triture sa guitare, s’agrippe à elle comme si l’instrument était le prolongement de lui-même. Son premier concert avec le groupe était il y a seulement neuf mois. Matmatah continue de présenter son nouvel album avec Le Rhume des foins et quatre drapeaux bretons fleurissent dans un public encore trop sage pour un concert de rock.
La Cerise est le premier classique de la soirée. Il débouche sur un solo d’harmonica de Stan, c’est lui qui prendra la parole tout au long du concert… sans manquer de tacler nos dirigeants politiques ! « On croyait qu’on avait écrit une chanson sur l’état de notre République mais en fait, on a écrit une chanson sur l’état de notre monarchie !» ironise-t-il pour introduire Marée-Haute, chanson inspirée de l’affaire Fillon en 2017. Le public s’embrase mais Matmatah ralentit immédiatement la cadence avec l’ensorcelant Hypnagogia. Un éclairage rose et bleu, des halos de lumières en rotation continue : le Zénith se laisse porter par l’ambiance rock progressif planant style Pink Floyd. Mais aux premières notes d’Emma, la foule émerge instantanément de sa rêverie et scande les paroles par coeur sur ce piano-voix accompagné par Kevin Camus. En France, c’est l’un des rares joueurs professionnels de uilleann pipe, sorte de cornemuse écossaise. Sur scène, chaque musicien, de passage ou non, se met corps et âme au service du son. Ils vivent pour le rock. Ça se sent. Ça se voit.
Matmatah électrise la salle avec La dernière aventure d’Archie Kramer, taquine et amuse l’auditoire en présentant Brest-Même : « On va vous parler de la plus belle ville du monde. Il y a vachement moins de poubelles sur le trottoir, moins de trottinettes, mais le maire est tout aussi clivant ! » Anne Hidalgo et François Cuillandre en prennent pour leur grade, tandis que les Beatles sont célébrés voire singés pendant Populaire : « Vous vous souvenez de notre concert à l’Olympia en 1964 ? ». Les lettres de Matmatah apparaissent sur l’écran, police Beatles, dans une salle désormais en noir et blanc comme la télé du début des années 60. Pour la première fois de la soirée, les cinq membres jouent figés à leur place, on croirait presque voir Stan et son look à la Lennon dodeliner de la tête façon McCartney !
Avant un rappel non-négligé, l’auditoire s’époumone sur le tube Lambé An Dro, titre accueilli avec des cris du cœur ! De retour sur scène, le groupe interprète Let’s say it’s alright en duo avec Kevin Twomey, le chanteur de Bigger, première partie du concert et accompagné par le violoncelle de Grégoire Korniluk. Le groupe livre une reprise impeccable de Heroes de Bowie, idole d’Éric Digaire, et achève le concert avec un symbole : L’Apologie. Ce morceau qui leur avait valu d’être accusés d’inciter la consommation du cannabis et ainsi, de finir devant la justice, avait longtemps été écarté de la setlist. Public galvanisé, quelques fans sur les épaules des copains, bras levés, un garçon torse-nu… Matmatah a transformé le Zénith de Paris en festival des Vieilles Charrues !