Live Report : Festival Pause Guitare à Albi

 

Pause Guitare 2016-HierSoirAParis-10

Ce week-end à Albi, il y avait Pause Guitare !

Et il y avait 75 000 personnes pour assister à la 20ème édition de ce festival chaleureux, accueillant et qui sent bon le sud ! Car oui, on sait tout de suite qu’on est en pays occitan. Les belles pierres rouges, l’accent qui chante, les rires qui sonnent fort. Et c’est avec délectation que l’on cale son rythme à la chaleur ardente de ce mois de juillet.

Mais Pause Guitare, ses quelques 900 bénévoles et 120 techniciens, n’a rien à envier en termes d’organisation et de professionnalisme à ses cousins du nord. Nous étions bluffés. Que ce soit au cœur de ville, au Grand Théâtre, ou sur la grande scène principale de Pratgraussals, la musique est partout présente et sans fausse note. Les accès, les facilités, les lieux de restauration, la programmation, tout est organisé pour rendre l’expérience Pause Guitare agréable à son large public. Il n’y a plus qu’à en profiter pleinement et pourquoi pas à se laisser surprendre…

Jour 1 – Samedi 9 juillet

Les surprises, par définition, ne se trouvent pas là où on les attend. Par exemple tenez, on croyait savoir tout sur Francis Cabrel, depuis le temps que ses mélodies nous accompagnent. (Pour tout vous dire c’était même le tout premier concert auquel j’ai assisté… il y a fort fort longtemps !). Mais on ignorait une chose, c’est qu’il était capable de nous cueillir, et de conquérir sans faillir plusieurs générations. C’est toujours fascinant à regarder les foules qui chantent en chœur, de 7 à 77 ans.

Bien entouré par des musiciens que l’on retrouve crédités sur tous les albums français qui ont compté ces 30 dernières années, Francis a réinventé ses succès. Il les a tour à tour parés d’accents africains, andalous ou folks, changeant leur rythme, cassant leur routine et nous faisant oublier que nous les avions tant et tant entendus. C’est sans aucun doute la marque des grands de faire revivre et renaître sous un autre jour les histoires maintes fois racontées. De belles histoires, touchantes et sobres, et offertes simplement.

Même Joan Baez, l’icône de la génération Woodstock, s’est laissée emportée, et est rentrée sur scène, esquisser quelques pas de danse et embrasser Francis chastement sur la joue… Un peu comme un petit jeune, en première partie, que l’on vient adouber de sa présence.

Joan, je vous l’avoue, m’a surprise d’une toute autre manière. J’ignorais si ces 75 printemps avaient épargnés sa voix et sa vitalité et en cela j’ai été plus que très agréablement surprise. La voix est là, son jeu de guitare également. Mais, n’allons pas par quatre chemins, c’est sa setlist que j’ai trouvée décevante et monotone. Il y a tant de titres magiques qu’elle aurait pu choisir… Au lieu de cela, nous nous sommes très vite retrouvés prisonniers d’une liturgie sans surprise, et surtout sans relief.  Joan qu’avez-vous fait de votre force contestataire, de votre activisme et de votre engagement ? Grosse déception donc, même si la qualité musicale était au rendez-vous, et que le duo formé avec sa choriste avait parfois son charme.

Du coup, il a fallu l’énergie revendicative de Sanseverino pour réveiller l’audience en cette fin de soirée de samedi. Et là encore surprise. Je ne savais rien de son dernier album et je m’attendais donc à retrouver guitare Dupont et sonorités manouches. Mais pas du tout ! Sanseverino est venu nous conter une histoire, celle du célèbre prisonnier de roman Papillon. Et pour donner vie et corps à ses évasions, il a choisi le bluegrass cajun ! Violon, contrebasse, mandoline, guitare et banjo, on ne l’attendait pas sur ce registre, mais ce roman scénique et acoustique est particulièrement réussi.

Jour 2 – Dimanche 10 juillet

Nous débutons notre marathon musical par deux belles rencontres organisées par la SACEM au Grand Théâtre d’Albi. Avantage, c’est climatisé (et par 36° à l’ombre – on est dans le sud je vous le rappelle – on apprécie). Inconvénient, on est assis.

Première rencontre, Zaza Fournier. Et quelle rencontre ! Imaginez un mix entre la chanson réaliste, le tango argentin, la valse musette, la britpop, la danse africaine, la punk musique et le hip hop… Oui je sais c’est difficile. Alors le mieux c’est d’aller à la rencontre de cette artiste totalement décomplexée, animale, déjantée et qui, à coup sûr, vous fera basculer dans son monde.

Accompagnée du musicien britannique Majiker, elle bouscule tout sur son passage. Vos limites, vos a priori, tout. Elle s’approprie l’espace, et le temps. Sur scène, un piano duquel une coulée de fleurs dégouline, lien entre l’instrument, la voix et la beatbox de Majiker et le sol conducteur.Sur les épaules de Zaza, les mêmes fleurs vivaces s’agitent à la faveur de ses déhanchés effrénés et de son accordéon. C’est organique, orgasmique et sensuel. On s’amuse de sa mélancolie, on s’étonne de sa folie, on en redemande. Un gros coup de cœur et un très beau moment de scène.

Et puis, changement d’univers.Nous prenons la route avec La Maison Tellier. C’est une invitation au voyage.Folk, blues, country, rock, leurs textes engagés et nourris d’errance, ne connaissent pas de frontières. Guitares mélodiques, voix à la fois douces et rauques, et cuivres qui rappellent l’univers mexicain et planant de Calexico. Mais pas que. Il y a dans leur cinquième album « Avalanches » bien d’autres influences, plus jazz, plus électro, plus épurées et toujours aussi cinématiques.

On sort de ce théâtre un peu perdus, un peu hébétés par nos tribulations. Et on est assommés par la chaleur. Mais qu’importe, nous voilà partis retrouver la grande scène et l’ambiance familiale du festival. Oui ce soir c’est la finale de l’euro 2016 mais qu’importe, Pause Guitare ne désemplit pas et promet de nous offrir encore bien des surprises.

C’est Jeanne Added qui ouvre la soirée avec un soleil féroce pour projecteur. On a du mal à croire qu’elle a débuté sa carrière par le jazz. Avec une belle énergie, partagée par son groupe, elle bouscule la scène. C’est rock, c’est électro, et sans artifice. Je n’ai pas été touchée par sa musique mais qu’importe. Ce qui compte c’est qu’elle donne tout et ça, on ne peut pas passer à côté.

Et puis la claque. Sans doute pour nous l’un des meilleurs moments du festival. Feu ! Chatterton fait partie de ces groupes qu’il faut absolument voir sur scène pour en comprendre la dimension. Et la leur est poétique, décalée, élégante, avec un lyrisme assumé et une présence scénique envoutante. Romantiques, libres, ils sont capables de brouiller toutes les pistes, de mélanger les styles qu’ils affectionnent pour imposer le leur. Respect les gars ! Je ne peux plus me sortir La Malinche de la tête depuis. C’est pour ce genre de découvertes que les festivals ont été créés. Pour faire sauter et danser toute une foule, et lui faire tout oublier (même la finale de l’Euro de foot !).

Et la foule n’a pas désempli au contraire au moment de voir entrer en scène Sir Elton John. C’était un peu ma Madeleine de Proust sur ce festival, et j’avoue que j’espérais ressentir une vive émotion en écoutant cette idole d’enfance. Rien à dire, Elton et ses musiciens sont incroyables de perfection. Mais sans doute trop pour moi. Là encore, comme pour Joan Baez, le choix des titres m’a empêché d’apprécier pleinement le concert. Une ambiance très blues rock, très dynamique, là où nous l’attendions sans doute plus intimiste. Bien sûr il y avait, çà et là, quelques standards disséminés et c’est instantané, c’est pavlovien, on chante, on danse, on se souvient. Mais pas de fil conducteur, pas d’histoire contée. Un grand show de quasi deux heures, à l’américaine, qui manquait donc un peu de finesse britannique, Sir…

Pause Guitare, ce fût un bel anniversaire dont nous ne vous avons fait partager que 2 jours sur les 6 de ce festival à la programmation éclectique.

Bravo à tous les bénévoles et techniciens ainsi qu’aux organisateurs. Nous avons adoré l’ambiance et votre professionnalisme. Un merci tout particulier à Patricia et à Julie pour leur accueil. On sera là l’an prochain, c’est sûr !