Rencontre avec Nikola : « Pour moi, la musique a un rôle : être un support sur lequel on fixe les souvenirs. »

Aujourd’hui, Nikola sort son deuxième EP, 20 Hivers et 1 Printemps. Un EP fort, contrasté et éclectique dont le jeune artiste sait manier les mots. Des mots d’acceptation, de recul sur l’enfance et ses désillusions. Il revient avec nous sur son parcours, sa musique et ses quêtes.

Dario Holtz


Bonjour Nikola, peux-tu te présenter aux lecteurs d’Hier Soir à Paris ?

Je m’appelle Nikola, avec un K et sans S. J’ai commencé la musique assez petit, mon père faisait de la basse en amateur et je ne le voyais pas beaucoup. J’avais envie de créer un lien avec mon père donc j’ai commencé la batterie pour faire un duo avec lui. J’avais 4 ou 5 ans et mon esprit s’est ainsi développé autour de la musique en même temps que l’apprentissage de l’écriture. On se construit avec des gens qu’on voit et ce qu’on vit, surtout petit, et très vite la musique et écrire, c’est quelque chose qui s’est fait naturellement. C’est devenu un moyen de s’exprimer, de dire des choses que je n’arrivais pas à communiquer autour de moi autrement. 

Ce sont des premiers écrits que tu partageais ou que tu gardais pour toi ? 

Non, les premières choses que j’ai monté, je devais avoir une quinzaine d’années alors que j’ai toujours plus ou moins écrit, essayé de m’exprimer par plein de moyens différents. L’écriture ne me servait pas à prouver quelque chose aux autres, mais faire ressortir quelque chose de moi, que les choses soient en-dehors. Après, c’est devenu une habitude, un reflex d’écrire. 

Tu écoutais beaucoup de musique durant cette période ? 

Dès la fin de la primaire/début collège, j’écoutais énormément de rap, trop de rap (rires). Je suis tombé dedans et mon père lui écoutait beaucoup de reggae, de soul, de blues, il y avait quelque chose d’un peu similaire. Vers mes 13-14 ans, dans cette période de rébellion où tu veux te faire ta propre culture, je suis tombé sur la chanson française, Piaf, Brel, Ferré, Barbara, Gainsbourg et je me suis pris ça d’une façon tellement forte, c’était incroyable. Déjà, j’ai compris que c’était l’origine des musiques que j’écoute, de rap à textes que j’adore (Oxmo, Booba …). Je me rappelle avoir regardé Ne me quitte pas de Jacques Brel sur YouTube, ce moment où il regarde la caméra pendant plusieurs minutes et je me suis dit que je n’avais jamais entendu quelque chose comme ça. 

Ça a créé un déclic ? 

Oui, je me suis rendu compte qu’il y avait plein de manières de s’exprimer. Dans le rap, il y a quelque chose de très direct, très franc, tu trouves des bonnes phrases, mais quand tu écoutes la chanson, tu as l’impression qu’il y a quelqu’un qui te parle. Dans la chanson française, on te raconte une histoire même quand ils disent « je ».

 

J’ai cherché à réduire le chemin entre la musique que je fais et ce qu’il y a dans ma tête.


Donc tu as commencé par la batterie et l’écriture et le chant est arrivé plus tard ? 

Oui ! J’ai commencé à écrire ce qui ressemblait à des poèmes alors que je n’ai jamais lu de poésie. Après, j’ai commencé à chanter vers mes 13 ans environ, car j’ai commencé à faire de la musique sur mon ordi, du piano, de la guitare et forcément ça donnait envie de chanter dessus. Je n’ai jamais trouvé que j’avais une belle voix, mais je me suis rendu compte que je pouvais chanter mes textes, et il y avait quelque chose d’hyper fort de pouvoir chanter ce que j’avais écrit. Ça n’a pas été un acte réfléchi en tout cas, je ne me suis jamais dit que je voulais être chanteur, musicien.


Après tout ça un premier EP en 2021, Une saison en enfance ? 

Je n’avais pas de potes qui faisaient de la musique, ils faisaient du foot, jouaient à la console, mais n’étaient pas dans cette ambiance là. J’étais donc seul chez moi, sur mon ordi ou ma guitare et j’ai commencé à apprendre à tout faire tout seul : m’enregistrer, faire des prods, prise de voix, écrire, composer, faire des photos, des graphismes … Au début, je ne savais pas faire donc je samplais des musiques. J’en ai découvert plein durant cette période, car je cherchais des sons un peu inconnus, qui avaient quelques centaines de vues sur YouTube pour les sampler. Ce sont d’ailleurs des chansons que j’écoute toujours ! J’ai continué à me former et j’ai vraiment pris le truc comme une école. 

Ensuite, je suis venu à Paris à 17 ans, pour moi, c’était là que je devais être pour faire du son, vivre des choses avec la musique. Dès ado, faire de la musique a été quelque chose de personnel, mais ça me permettait aussi de sortir de chez moi, me faire des amis, faire des choses que j’aurais jamais fait autrement. J’ai adoré ça, mais j’avais fait le tour de Besançon, donc j’ai voulu tout quitter, aller à un endroit où je ne connaissais personne et prendre la musique comme vecteur. J’ai cherché à réduire le chemin entre la musique que je fais et ce qu’il y a dans ma tête, qu’il y ait le moins d’intermédiaire possible. J’ai rencontré beaucoup de gens aussi, jusqu’à produire mon premier EP avec des chansons que j’avais grâce à la FGO-Barbara qui m’a accompagné. Ensuite, il y a aussi eu Le Fair, The Artist, Le printemps de Bourges, plein d’étapes importantes pour l’arrivée de cet EP.

Ça doit faire un peu peur de tout quitter comme ça pour se lancer vers l’inconnu ? 

Ouais, c’était flippant et excitant. Au début, c’était plus flippant qu’excitant d’ailleurs, mais c’est aussi l’époque où j’ai commencé à inverser la tendance. Plus le temps passe, plus le fait de ne pas connaître quelque chose m’attire et m’excite.

L’accompagnement que tu as eu t’a aidé à avoir confiance ? 

Je n’ai jamais eu complètement confiance en ce que je faisais, mais je n’ai jamais douté de ça dans le sens où c’est ce qui me rend heureux tous les jours. Pourquoi vouloir faire autre chose ? Il y avait par contre un mouvement où plein de choses se passaient, en passant par des périodes statiques aussi, mais où il commençait aussi à y avoir une certaine reconnaissance pour ce que je fais. Avant, je ne faisais pas trop entrer les gens dans ce que je faisais, ce n’était pas une posture, c’était la façon dont moi, je vivais. Tu pourrais me mettre dans un studio, avec la nourriture et un paysage de temps en temps pour aller me balader et je n’aurais besoin de rien de plus, je suis trop heureux. Finalement cette entrée de nouvelles personnes et ce mouvement n’ont été que positifs depuis la rencontre avec le FGO Barbara. Il y a encore ces moments où il se passe moins de choses, où je suis dans ma cave, mais il s’est tout de même passé un truc à ce moment-là. 

Et un an et demi après Une saison en enfance, tu nous présentes un second EP 20 Hivers et 1 Printemps ? Finalement quelqu’un qui grandit au fil des saisons, tu cherchais cette continuité ? 

Pour moi, Une saison en enfance et 20 Hivers et 1 Printempsc’est un diptyque, je l’ai d’ailleurs sorti en double-EP sur le merch (vente). Quand j’ai sorti Une saison en enfance, je voulais parler de mon enfance et j’avais besoin d’exprimer cela d’une façon triste, il y a peu de lumière dans cet EP là. En le sortant, j’étais libéré, puis en voyant les relations des gens, en chantant aussi, j’avais envie d’y apporter une certaine nuance. On ne change pas l’histoire, mais je souhaitais y apporter un recul. Dans Y’a rien de plus chiant que la joie, je décris qu’effectivement, il s’est passé des choses difficiles, mais c’est ce qui fait qui je suis aujourd’hui et j’en suis fier. Plus le temps passe plus je me comprends, plus je suis en paix avec moi-même. Il n’y a donc rien de plus chiant que la joie, que la tranquillité, dans le sens où il ne se passe rien, il n’y a pas de problème. 

L’écrire et le sortir c’était aussi fermer la porte et en ouvrir une autre vers la nouveauté ? 

Exactement, et c’est ce que j’ai réellement réussi à faire avec le second EP. J’ai trouvé le titre 20 Hivers et 1 Printemps après avoir terminé l’EP. Le printemps, ce n’est pas le moment où j’écris ces morceaux, c’est une fois qu’ils sont terminés. On est dans le Printemps et tout ce qu’il s’est passé va pouvoir porter ses fruits à partir de maintenant, je vais pouvoir me raconter qui je suis vraiment et en terminer avec mon enfance ici. Quand je dis « Filer le temps » ce n’est pas pour le voir s’arrêter ou voir ça comme un regret, c’est dans le sens où je souhaite, je veux le laisser filer et glisser avec. 

C’est optimiste.

Ouais, mais ce n’est pas un optimisme dans le sens où « tout va bien se passer, t’inquiète » mais plutôt « il y aura des problèmes et tant mieux ». 

Comment as-tu travaillé sur cet EP ? Tu avais déjà une idée de ce que tu voulais aller ou les titres sont venus petit à petit ? 

Je n’ai jamais une idée avant, que ça soit pour un titre, un projet, ou même un clip, les photos, j’aime improviser. Je ne sais pas écrire en me disant exactement ce que je veux aborder. En fait, j’écris tout le temps, et c’est dans ce processus que je me dis que je touche quelque chose que je suis en train de vivre, que je pense et que je veux continuer d’accompagner. Je pensais d’ailleurs en avoir fini avec l’enfance et en fait non, le regard n’était pas complet et juste à 100%. Ça a commencé à donner quelque chose que j’ai retravaillé chez moi, que j’ai complété, que j’ai fait fonctionner comme un tout avec le premier. J’ai souhaité que ces deux EPs soient un peu la base de ma discographie sur laquelle je vais venir me référer si un jour je suis perdu. 

Sur les versions physiques des deux EPs les douze titres sont représentés sur un rond, un cycle : on part de l’enfance, des problématiques, ce qu’on ressent à ce moment-là, puis on en fait le tour et quand on a l’impression d’avoir terminé, on revient au début et on refait ce cycle, mais avec plus de recul et un nouveau regard. Ce rond, c’est aussi une boussole qui va permettre de te retrouver si tu te perds, mais aussi une horloge pour savoir où tu en es. À n’importe quel âge, je pense qu’il y a toujours un enfant en soi et qu’il faut être aligné avec lui sinon tu ne peux pas être heureux, bien avec toi, bien avec les autres.

 

L’enfance c’est aussi une période de questionnements, trouve-t-on des réponses d’après toi et amènent-elles à d’autres questions ? 

Je pense qu’on trouve des réponses et qu’on arrête de se poser des questions en grandissant. Il y a quelque chose qui m’a marqué : à l’adolescence, tu commences à comprendre ce qu’est le monde des adultes, j’ai grandi assez vite et j’ai observé, j’ai été déçu. J’ai eu une désillusion de ce que j’imaginais enfant comme étant le monde des adultes, il y a beaucoup de mensonges pour faire plaisir à l’ego. Petit, j’étais irrité par la hiérarchie qu’on met en place de l’adulte sur l’enfant, je ne supportais pas la subordination. En grandissant, en faisant des choses d’adulte, j’ai vu que la plupart des gens autour de moi, qu’il aient 20 ans ou 50 ans, vivaient dans des corps d’adulte avec des problématiques d’enfants. Pour moi, on peut être adulte lorsqu’on est en paix avec l’enfant qu’on était et qui est encore en toi. Avec ce double-EP, j’ai eu l’impression de devenir adulte non pas en faisant des choses d’adulte comme monter une entreprise de musique et payer des impôts, mais en me réconciliant avec l’enfant que j’étais et en agissant en fonction de lui. Toutes les chansons qui sont dans ce disque, ce sont des choses que j’aurais aimées que ce gosse que j’étais entende. Les choses méritent d’être entendues à 10 ans comme à 70. 

C’est ce que tu définirais comme fil conducteur de ces deux EPs, la réconciliation avec l’enfant ? 

Dans le premier EP, on joue des coudes et dans le deuxième on s’accepte.

 

Pour moi la musique a un rôle : être un support sur lequel on fixe les souvenirs.


Dans la musique, on a quelque chose de très différent, qui ne semble pas lui, suivre un fil unique. Les prods sont très éclectiques, parfois assez pop, d’autres plus douces en piano-voix, d’autres mastérisées et électroniques, certaines touchent en une chansons au classique, le rock (
Winston bleu) ? Chaque chanson a un paysage particulier, tu souhaitais cette diversité ? 

Le premier EP est très clair musicalement, j’ai tout produit en quelques jours et je souhaitais que la couleur musicale qui allait être posé soit très uniforme. On a le piano de la chanson mélancolique, les basses instrumentales, la batterie violente et ça permettait un contraste entre al douceur de l’enfance et la dureté et le froid de la vie. 

Avec ce second EP, je souhaitais aller chercher tous les styles qui ont pu m’influencer quand j’étais gosse et vivre des choses différentes. Pour moi, la musique a un rôle : être un support sur lequel on fixe les souvenirs. Quand on écoute une chanson, on peut se rappeler avec qui on était quand on l’a entendu, un événement, un lieu. Toutes les formes musicales qui sont dans mon deuxième EP se réfèrent à un souvenir, à quelque chose de particulier que je vais explorer. Madame n’avait pas du tout cette ambiance au début : à l’époque où je vis cette première histoire d’amour, on est en 2014-2015, BB Brunes passe à la radio, moi je commence à sampler des sons, je découvre des musiques comme celles des Strokes, et je cale des souvenirs de cette période sur cette musique. De fait, j’ai eu besoin d’amener cette forme là-dessus, par répercussion. Dans Filer le temps, on ne sait pas si c’est heureux, pas heureux, une mélancolie joyeuse de je chante en pleurant, il y a la fanfare du Montenegro, la trompette quart de ton … Dans Winston Bleu, il y a du hip-hop joué avec de la batterie, l’instrument qui m’a fait entrer dans la musique puis l’enrichissement de mon vocabulaire musical. 

Il y aussi le fait de chercher à passer au-dessus des règles du son, de chercher à trouver MON truc comme tout le monde me disait de faire. Je fais ce que j’ai envie de faire, j’en ai le droit.

Dans un souvenir, il y a aussi plusieurs émotions qu’on retrouve peut-être aussi dans ces différentes instru ? 

Complétement, je pense qu’on peut retrouver ça sur chacun des morceaux de cet EP. Ils font tous référence à un style musical de l’extérieur, mais à un souvenir ou même plus à une période, un mood, de l’intérieur. J’espère qu’en écoutant ces chansons, on peut avoir un goût de 2017, de 2009, de confinement selon ce que ça rappelle. 

On a aussi ce contraste avec dans la majorité des musiques très entrainantes et des paroles plus sensibles et humaines, c’est ce que tu recherchais ? 

Je trouve le contraste très intéressant. Si tu veux faire ressortir quelque chose, il faut du contraste, si c’est partout, on ne le voit plus. Dans mes chansons, il y a quelque chose de très slave : danser sur du triste, j’adore. Au Montenegro, dans les Balkans, le style de musique qu’on écoute le plus est de la turbo-folk : de la musique folklorique, traditionnelle, qui s’est assimilée à de la musique d’aujourd’hui. Ils ont réussi à intégrer leur culture dans l’actualité et nous en France, on n’a pas ça, ce qu’on fait actuellement c’est de la musique américaine. Il y a quelque chose dans la chanson française que j’ai envie de faire et d’assumer et pour moi ça passe par le texte qui précède le reste. On met du texte puis on met en musique. Dans Dubai, je parle de l’anti-globalisation que je ressens, je propose qu’on arrête de fantasmer sur des trucs qu’une personne nous a racontés, qu’elle-même tenait de quelqu’un d’autre avant (etc) et je cherche un autre modèle pour se libérer de ça. J’ai rajouté une sonorité Eurodanse de mon héritage du Montenegro et même temps j’avais envie qu’on puisse célébrer cet ancien monde qu’on piétine. Danser et chanter ça veut dire quelque chose.

Dario Holtz

Tu fais des chansons très personnelles, qui parlent d’histoire de vie, mais elles peuvent atteindre quelque chose de plus général où tout le monde peut se reconnaître. 

Merci, ça fait plaisir, j’essaie. Je n’ai pas cherché cela au départ, je dis ce que j’ai à dire et je suis heureux si on peut se retrouver dedans, mais si ce n’était pas le cas, je ne changerais pas. On parlait de devenir adulte et je pense que c’est aussi à ce moment-là qu’on fait des rencontres, qu’on se confronte à plus de choses et qu’on se rend compte que finalement, on est tous un peu pareils. Adolescent, on s’est tous dit qu’on était un peu spécial, et finalement, on ne l’était pas, donc on est pareils (rires) … 

Dans tout cet EP, on sent une recherche de sincérité et de vérité, ça peut faire peur ? 

Oui, je ne recherche pas la vérité pour les autres, pour devoir une vérité, mais bien pour chercher à savoir ce que j’ai dans la tête, improviser pour savoir qui je suis et ce que je ressens. Si on se met des contraintes en se disant qu’il n’est pas possible de dire ça, ou qu’il faut éviter tel sujet, éviter de blesser, on ne peut pas être dans une sincérité qu’on se doit à soi-même. Il y a une règle dans l’écriture pour moi : « écris tout et va chercher au plus profond ». Ce qu’on a le plus de mal à dire, c’est ce qui est le plus intéressant. Au début avec À l’eau, que j’ai écrit pour ma mère sur le premier EP, je ne voulais pas du tout la sortir ou l’écrire, et puis quand j’ai commencé j’ai compris que je ne pouvais pas échapper à ça et qu’il fallait le faire. 

Il y a quelque chose de thérapeutique aussi là-dedans ? 

Je l’ai beaucoup pensé, mais finalement, je n’aime pas la musique comme thérapie. Dans le fond, oui, mais finalement ce que je trouve le plus intéressant dans l’art, c’est ce qui met mal à l’aise. On est dans une ère très lisse, très conforme, mais ce qui va vraiment soigner, c’est faire sortir ce qu’il y a de plus dur. 

Ça commence par poser des mots sur les maux ? 

Ouais, il y a des textes où il est difficile de se dire « là, je parle de moi ». Certains de mes morceaux quand je les écoute, je suis mal à l’aise et finalement, c’est là que c’est le plus intéressant. Pour moi, Gainsbourg est le chef de file de ça : il a réussi à mettre mal à l’aise tout le monde, toute sa vie. Il a fait plus d’avancées sociétales que nombreux autres. La musique comme thérapie, c’est trouver des réponses alors que l’art doit poser des questions. Les réponses, on est les seuls à pouvoir les trouver pour soi-même, mais l’art va les interroger.   

C’est à partir de là que l’art est engagé ? 

Tout est engagé. Tout est politique. Je ne fais pas de la musique engagée dans le sens où je vais dire quoi faire, quoi voter, je n’ai pas un art qui se positionne. Moi, j’essaye de poser des questions et confronter les gens à quelque chose. Dans C’est magnifique, je dis « classe moyenne, vie moyenne, en recherche de sensation forte » ; je parle de moi, de ce que j’ai vu en grandissant, que je retrouve chez les autres. Le concept de classe sociale comprend plein de choses : on peut être pauvre et plus élevé culturellement que certains. Toute la France fantasme sur un rêve qui n’est pas le nôtre. De même, dans Dubai, je montre qu’on cherche à transmettre un rêve, mais que ce n’est pas le nôtre, le bonheur ce n’est pas être riche et chercher à vivre au-dessus des autres. Les idoles qu’on a sont-elles vraiment les nôtres ? J’interroge un rapport et je le questionne.  

Plusieurs chansons en collab, Fils Cara, Illa, Achile, comment se sont passés ces collaborations ?

J’avais envie d’ouvrir ce disque à des feats et des collaborations musicales. Mon premier EP est très introspectif, je suis seul, je m’enferme chez moi. Je me suis ensuite rendu compte que trouver sa place c’était aussi faire entrer les autres chez soi, j’ai cherché à être guidé par le plaisir musical, le partage, les rencontres. 

Dont Château de cartes, une histoire d’amour, mais avec une certaine fragilité ? 

Oui, c’est aussi une réponse à Toute la vie du premier EP : je ne serai pas ton amour toute la vie, mais ce n’est pas grave car je le sais, même si c’est la mort qui nous sépare. On n’est pas immortel, l’amour ne dure qu’un temps et autant en profiter. C’était un peu la manière lumineuse de traiter ce sujet. L’acte de le chanter à deux, le partager, une instru plus lisse allait avec tout ça. 

As-tu une chanson préférée sur ton album ?

J’ai conçu les douze titres comme un bloc, mais je pense que Y’a rien de plus chiant que la joie est là pour raconter les autres, il donne le ton.