Maska, rappeur français et membre du groupe Sexion d’Assaut (récemment réuni) s’ouvre sur Etoile de Jour à l’occasion de la sortie de ce projet solo, ce 12 février. Un projet auquel il s’est dévoué, particulièrement cette fois-ci, bien qu’il ait sorti de nombreux travaux par le passé. Cet opus qui se trouve être le premier d’une trilogie est à l’image de son auteur, de celui qui l’a construit, sans omettre pour autant l’équipe qui y a participé. Complet, chargé d’émotions, plein de sentiments à partager, diversifié, et fruit d’un travail continu et ambitieux, d’un artiste qui s’exprime et qui fait les choses jusqu’au bout.
L’univers complexe de cet EP nous touche droit au cœur, réveille ce qui sommeille en nous tel un marchand de sable dessinant grain par grain nos rêves les plus enfouis. Des rêves contenus, cachés, que l’on s’empresse d’oublier par peur qu’ils ravivent des souvenirs trop douloureux. Après cette souffrance, le calme, l’acceptation et le renouveau s’en mêlent pour au final se relever et retourner à la réalité, avancer de nouveau.
On fond non pas en larmes mais en substance, telle une bougie consumée par sa propre flamme dès l’écoute de Jamaimer avec la voix ensorcelante de Tayc qui contraste sans efforts avec le flow de Maska sur une ballade emprise de tristesse et de force.
Voie Lactée nous perd dans l’immensité de l’espace, par la profondeur et la subtilité que ce morceau dégage. Le clip illustrant ce morceau est prenant d’une poésie et d’une harmonie qui rapellent les paroles. Lefa et Lord Esperanza sont très bienvenus et s’imbibent tout à fait de l’esprit du son qu’ils façonnent à leur manière.
Etoile de Jour est de ces projets qui nous prennent pour ne plus jamais nous lâcher. Il nous imprègne d’une présence et d’un monde qu’il nous est difficile de quitter, puisqu’il reflète notre personnalité. Comment ce fait-ce ? Simplement par la manière dont les sujets sont abordés dans cet EP. Avec universalité, mais en atteignant ce qu’il y a de plus intime en nous même. Humanité, humilité, pudeur et candeur sont les maîtres mots de ce projet qui nous laisse une marque indélébile.
- Etoile de Jour est la première partie d’une trilogie. Pourquoi avoir choisi ce format ?
Pour valoriser la musique. Aujourd’hui la consommation musicale a énormément augmenté, il y a beaucoup plus de débit. Et quand on fait des albums de 17 titres, même s’ils sont qualitatifs, les gens ne s’attardent pas forcément sur tous, et comme je mets beaucoup d’intention dans ma musique, je voulais vraiment que chacun des titres soit valorisé. C’est pour ça que j’ai préféré faire trois projets de 8 titres plutôt qu’un seul de 24.
- Ca fait plus d’un an que nous sommes en pleine crise sanitaire, parfois confinés pendant plusieurs semaines. Est-ce que ce contexte a impacté la conception d’Etoile de Jour ? Aux niveaux marketing, créatif ou autre … ?
Etoile de Jour je ne l’ai pas particulièrement travaillé pendant le confinement. C’était un petit peu avant et pendant les périodes de non confinement. Mais le confinement m’a plus servi à créer qu’autre chose. Comme le temps s’arrêtait, on avait beaucoup moins de pression, parce qu’on en a quand même pas mal en tant qu’artistes et que si on se bouge pas nous-mêmes, y a rien qui bouge, donc on se motive seul et on s’organise, ce que j’ai fait pendant le premier confinement. J’ai organisé mes journées, j’ai regroupé toutes les activités que je pouvais faire chez moi, je les ai découpées par tranches de 20 minutes, je me laissais une pause de 5 minutes à chaque fois, ce qui me permettait d’être productif et créatif sans me lasser et sans me fatiguer. Ces pauses de 5 minutes elles me permettaient de me reposer et de repartir. J’étais très productif pendant ce confinement. Chez moi, mon studio est en construction, mais j’avais ma petite guitare, on m’envoyait des instrumentales, j’écrivais, je répétais mes textes, j’en apprenais d’autres, … Même sans studio je m’étais organisé pour être créatif.
- Au cours de l’EP, vous adoptez un ton universel, vous vous adressez à tout le monde. Vous dites en présentant Etoile de Jour, en parlant du succès et du statut d’artiste que « plus tu plais à ceux que tu ne connais pas, plus tu t’éloignes de ceux que tu connais. » Aujourd’hui comment vivez-vous ce paradoxe, d’être dans une certaine solitude tout en t’adressant au public, mais plus largement en adoptent un ton universel ?
C’est ça qui est un peu plus particulier dans la musique, qui est presque paradoxal. C’est que plus tu fais part de tes expériences personnelles, plus tu es authentique, plus tu vas toucher du monde. Parce que finalement nos histoires se ressemblent pas mal. Même si elles sont différentes, elles ont quand même quelque chose en commun et ça rejoint ce paradoxe. C’est un peu la même chose que ta question, plus on se concentre à plaire à des inconnus moins on a de temps pour les siens. Mais là je décrivais plus un phénomène général avec le Covid, avec toute la situation cette année. Il n’y avait pas de tournée, c’était relativement calme. Du coup au contraire, cette année j’étais très proche de ma famille, et de mes amis. On a la chance d’avoir tout ce qui est FaceTime, tous ces appels là, donc même des amis à moi qui habitent à l’étranger on est tous les jours au téléphone, ensemble, et on se voit en plus, il y a la visio. Donc je ne me sens ni isolé ni loin des miens.
- Sur les visuels de cet EP, on oscille entre un monde obscur et des rais de lumière. Cette première partie évoque beaucoup la difficulté de traverser une épreuve, s’y embourber, pour ensuite s’en défaire et avancer, grandit de cette difficulté. Sur la cover de l’EP (ci-dessous) vous vous trouvez dans un palais ou en tout cas dans une pièce luxueuse, chargée d’histoire, à l’opposé de la rue. Qu’est ce que ce symbole de réussite signifie pour vous aujourd’hui (vivre dans le confort) ?
Le décor qui est beau ne symbolise pas forcément ma réussite professionnelle. C’est plus pour une question d’esthétique. Ces lieux ont plus été choisis pour le message, le mood général de l’EP. Le côté rue etc c’est un truc qu’on a pas alimenté ni avec mon groupe, ni en solo. Parce qu’il y a beaucoup plus de négatif que de positif dedans. Et pour moi réussir sa vie, c’est se focaliser sur des choses positives. C’est une volonté de ma part de parler des choses de la vie plutôt que de la rue. La rue on l’a vécue mais comme beaucoup de rappeurs, peut-être même plus que certains qui la représentent, mais on a eu une maturité assez tôt, ce qui nous a permis de ne pas nourrir ce truc là. Parce qu’encore une fois je pense que c’est une chance de se concentrer sur des choses positives plutôt que négatives.
- Dans ce projet, vous chantez et vous ouvrez davantage musicalement. Vous laissez plus de place au prods, aux refrains et invitez plusieurs voix. Le côté plus pop urbaine est pour vous quelque chose que vous teniez à explorer sur cet album ? Comment considérez vous que vos styles d’écriture et d’interprétation ont évolué au fil de vos projets en solo ?
Déjà, pour le côté musical, j’ai entendu une fois une interview ou quelqu’un disait « Sexion d’Assaut ils ont inventé la pop urbaine. » On en avait pas conscience. C’est un truc qu’on a toujours fait, de mélanger un peu le rap, les textes à la mélodie, donc j’ai eu cette école là. Après j’étais pas du tout chanteur. Et je ne me considère pas comme un chanteur sauf qu’effectivement c’est que de la voix dans mes projets. Je trouve que la mélodie sert beaucoup à mon écriture qui est assez sentimentale. C’est basé sur le fait de véhiculer des émotions. La mélodie m’aide beaucoup dans mon écriture et dans le message que je veux transmettre. Pour le rap, j’aime bien faire des petits freestyles, mais c’est vrai qu’en terme d’émotions je suis plus séduit par la mélodie et je prends plus de plaisir à en faire. J’aime toujours le rap mais pour moi le rap c’est un style de chant comme un autre.
- Lorsque vous avez fait votre premier album solo, suite à la séparation de S A, vous avez du adapter tout votre processus créatif et toute votre écriture à ce changement. Maintenant que vous sortez Etoile de Jour, le groupe se reforme et vous en faites de nouveau partie pour la Tournée des Rois qui devrait débuter vers la fin de cette année en fonction des avancées du Covid. Est-ce que le retour du groupe vous a fait reconsidérer votre écriture et si oui, en quoi ?
Tu dois assumer la tâche de tous tes collègues quand t’es un artiste en groupe. Un artiste solo c’est différent. Dans Sexion d’Assaut je pouvais faire plusieurs choses, mais pour le bien fondé du groupe je me contentais d’être le rappeur à texte pour que chacun puisse être identifié clairement. Quand le groupe s’est arrêté, c’était un peu brutal, du coup j’étais pas prêt à une carrière solo, je ne m’étais pas vraiment projeté. Du coup dans le premier album, moi j’ai l’habitude de dire que mon seul album c’était un EP, et tous mes EPs ils avaient plus une tête d’album en fait. Ca a été un peu l’inverse, parce que dans mon premier album, j’étais pas du tout arrivé à maturité artistique en solo. Je mets beaucoup de gens sur mes refrains, je rappe, l’univers musical ressemble un peu à ce que Sexion d’Assaut fait mais on ne sent pas une réelle identité. Des gros titres ont fonctionné en radio avec Gims, mais ce n’est pas un album que j’assumais totalement. Pour moi c’était un album de transition. C’était Espace Temps, en attendant Intemporel. Un album formateur. Après j’ai sorti trois autres mixtapes, où là c’est moi qui fais les refrains, j’avais commencé les cours de chant, et au fur et à mesure des projets on sent que l’univers musical se consolide de plus en plus. Là Etoile de Jour, je suis vraiment très satisfait. Les autres projets aussi. Disons à 80% sur mon premier projet, 90% sur les trois autres, mais là, je suis satisfait à 100%.
- Vos textes sont extrêmement pensés, riches, travaillés. Vous accordez une importance particulière à vos paroles et à leur signification, vous avez aussi écrit pour d’autres artistes au cours de votre carrière. Au travers de votre discographie vous avez une volonté artistique assumée que vous exposez ce qui n’est pas le cas de tous les rappeurs. Pourquoi est-ce si important pour vous ?
Selon moi, quand on fait les choses, il faut les faire bien. Plus tu mets de l’intention et du plaisir dans ce que tu fais, que tu les fais sérieusement tout en t’amusant, plus ça va donner de belles choses. J’ai toujours eu ce côté compétitif, à m’impliquer à fond dans tout ce que je fais. Autant dans mes relations, que dans le sport, la musique, j’ai toujours mis beaucoup de cœur à l’ouvrage. Et avec Sexion d’Assaut on a toujours eu de l’exigence, ce côté performance, donc même dans la musique, j’ai eu cette formation là qui colle à ma personnalité et mon parcours.
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C’est là dessus que se terminent et l’interview et l’article. En espérant que ça vous aura plu et donné envie de découvrir ou redécouvrir l’artiste qu’est Maska, ainsi que de mieux comprendre son EP.