Crédit photo : Hamza Rochdi
De Casablanca, Fell’G est un rappeur marocain. Passionné par les arts visuels et le cinéma, il monte la plupart de ses clips et fait du montage son métier. A côté, il crée sa musique. Pour lui, le rap est un moyen authentique et naturel de s’exprimer. Et le hip hop, un état d’esprit dans lequel il se reconnaît et dont il apprécie les différents aspects. Il voit la musique comme un plaisir, et il veut que ça le reste, sans pour autant exclure un possible succès. Actif depuis plusieurs années, c’est le morceau “Bill Gates” qui le révèle au grand public fin 2017. Après avoir fait partie de plusieurs groupes ou collectifs (Morrocans with attitude, entre autres) dont il garde un bon souvenir, il se lance en solo.
C’est dans ce cadre qu’il sort ses titres les plus récents, comme par exemple “Breathe”, “Step by step” ou “5 Njoum”. Il rappe en darija, un dialecte marocain, qui s’applique sous d’autres formes à d’autres pays du Maghreb. Dans ses textes, il utilise parfois l’anglais pour intéresser un public étranger. Aujourd’hui il fidélise un auditoire conséquent et grandissant, réuni principalement sur Youtube et Instagram.
Sa mentalité, son processus créatif et sa vision de la musique
Musicalement, Fell’G fonctionne selon des valeurs et des critères bien précis et surtout, propres à lui.
“Je pense que l’essentiel c’est d’être honnête. Les gens écoutent ma musique parce qu’on partage une façon de penser et des références.”
Quand je lui demande de classer le texte, le visuel, la mélodie et les émotions du plus au moins important, il me dit que pour lui ils sont tous essentiels. Il les met au même niveau. Il précise tout de même que de nos jours le musical et le visuel sont deux éléments complémentaires, à son avis.
Chaque morceau qu’il fait correspond à un état d’esprit et une période spécifiques, qui font écho à l’humeur dans laquelle il se trouve sur le moment.
Dans notre ère technologique, à laquelle il accorde en toute conscience des avantages notoires, il en voit aussi les défauts. Il est crucial pour lui de ne pas oublier l’humain ni la nature. C’est ce qu’il a voulu faire ressortir dans “Dimension”, créé pendant le confinement en septembre 2020.
“Avec ce son, j’essayais de me motiver. De partager un échappatoire et une vision des choses.”
A travers ce qu’il fait, Fell’G tient aussi à transmettre l’amour de soi, la paix avec soi-même. C’est ce qu’il espère procurer via son répertoire. De façon plus personnelle, il compare la musique à une méditation.
Contexte musical au Maroc
Plus tard dans la conversation, il expose les difficultés de l’industrie du rap au Maroc.
“Ici, si je fais de la musique mon gagne-pain, je dois m’adapter à un public et avec ce qui marche pour pouvoir gagner ma vie. Et les sonorités -rap- de maintenant ne sont à mon avis pas très hip hop.”
Il ajoute :
“ Aujourd’hui il n’y a pas de réelle industrie. Certaines de mes connaissances ont tout lâché pour faire de la musique et c’est difficile. C’est un secteur mal organisé.”
Il admet tout de même que :
“Depuis l’arrivée d’Internet et des réseaux sociaux, les choses changent dans le rap marocain. Avant si un rappeur ne passait pas à la radio ou la télévision, il ne pouvait pas avoir d’audience. C’était sélectif mais maintenant ça touche la masse. On a eu du rap depuis les années 90 mais il y a peu de traces de ces choses là avant 2006. Le rap se base sur les Etats-unis mais je trouve qu’au Maroc aujourd’hui le rap a beaucoup évolué. Il y a différents styles.”
Son histoire
Pendant un instant, Fell’G revient sur comment la musique et le rap sont entrés dans sa vie. Les goûts de son frère et de sa sœur sont éloignés du rap, mais l’influencent et lui plaisent toujours autant que quand il était petit et qu’ils lui faisaient écouter différents styles, comme le rock, le grunge, la funk, la soul, le neo soul …
“Petit, il y avait MTV Base par exemple. On regardait les clips. C’était avant Internet. A l’époque j’écoutais plein de trucs, mais c’est avec le hip hop que j’ai vraiment accroché. La façon dont s’expriment les rappeurs, le fait qu’ils peuvent dire ce qu’ils veulent, ça m’a vraiment touché.”
La sortie d’un album devenu mythique l’a également marqué, il raconte.
“Quand j’étais au collège, vers 2007, c’était la période où le rap commençait à être plus médiatisé. En 2006 il y a eu le premier album qui a marqué l’histoire du rap marocain, c’était Mgharba Tal Moute de Don Bigg. Il a eu un succès immense. Les gens écoutaient de plus en plus de rap, surtout les jeunes. La force de cet album, ce sont ses textes osés, surtout dans un pays réservé. Cet album m’a impacté parce qu’il n’y avait alors pas beaucoup de rap en darija. Étant donné que le rap étranger était plus accessible j’écoutais du rap français, américain, et d’autres styles musicaux. En écoutant cet album entièrement en darija je me suis dit que je pouvais faire du rap dans ma propre langue. Le tout dans une fluidité totale et avec ma touche personnelle.”
Sa sélection de clips
Pour finir cette interview je lui avais demandé de sélectionner quatre clips qui l’ont marqué. Voici son choix et ses explications :
“J’aime les sonorités boom bap de Drop. Et pour Ms Jackson, ça me rend nostalgique, ça me rappelle quand j’étais petit.”
“Kendrick prend son temps pour sortir ses projets, il ne fait pas de la musique pour être productif ou frimer. Il s’exprime, fait ce qu’il aime et il le fait bien. J’aime la majorité de ses clips et de sa musique. Ici, c’est le côté cinématographique, les plans fixes, leurs mises en scène. J’écoutais Kendrick avant qu’il perce, j’aime son évolution, la force de ses textes, son identité musicale. Ce n’est pas trop commercial. J’aime les messages que lui et J.Cole passent. Pour moi, ce sont deux des meilleurs rappeurs de notre génération.”
Fell’G est un rappeur attaché aux choses simples de la vie et à l’authenticité. Il préserve l’amour qu’il a pour la musique et le rap en entretenant avec eux un rapport passionné. Il est ambitieux et désireux d’une reconnaissance plus grande, évolutive. Ceci à condition de maintenir l’équilibre qui lui tient tant à cœur et qui le guide au quotidien. Ce cadre permet à ses envies et sa technique d’évoluer, son idéologie elle, reste la même.
