Présentation des deux catégories Révélations des Victoires de la Musique 2021

Conf presse Vict 2021

Ce n’est pas sans joie ni surprise que je découvre il y a quelques jours dans ma boîte mail une invitation pour la conférence de presse des 36ème Victoires de la Musique qui se déroule le lundi 11 janvier 2021 au Casino de Paris près de Pigalle. La conférence a lieu physiquement, dans le respect des mesures d’hygiène et de distanciation. C’est ainsi que je me retrouve au milieu des conviés, attachés de presse, journalistes et autres dans une superbe salle, lumineuse, spacieuse, haute de plafond décorée d’immenses vitraux colorés, formant une grande arche sur le mur principal. Deux sessions d’interviews sont prévues, une avant la conférence, une après. Par souci de confidentialité, je sais à l’avance que des interviews avec les artistes présents seront possibles mais je ne peux prendre connaissance de ceux qui seront réellement là qu’une fois sur place. Chose compréhensible, mais qui transforme la préparation des questions en un véritable défi. Le temps accordé par entretien étant limité, tout comme la disponibilité des artistes présents qui sont très sollicités, mon temps de parole se réduit à quelques minutes. Juste assez pour une entrevue par personne, qui s’avèreront finalement signifiantes. À l’image des catégories les plus mises à l’honneur pendant la conférence, l’une pour les Révélations féminines, l’autre pour les masculines, j’obtiendrais au total un échange avec un membre de chacune des deux distinctions : un homme et une femme. Ou autrement dit deux musiciens qui me tiennent à cœur et d’un point de vue plus objectif, qui valent sans aucun doute le détour et l’intérêt du plus grand nombre.

Le premier se trouve être Hatik (photo ci-dessous), rappeur et acteur, en lisse cette année aux côtés d’Hervé et Noé Preszow. Pour ceux à qui son nom ne dit rien, Hatik a sorti entre autres projets, Chaise pliante I et II, et a incarné le personnage d’Apash, rôle principal de la série événement Validé de Franck Gastambide, sortie peu après le premier confinement. Très actif musicalement, auteur de textes variés et bien pensés et souvent engagés, il s’est construit une place qu’il n’est pas prêt de céder et fait preuve de lucidité et de bienveillance dans son attitude comme dans ses dires, chantés ou non sans pour autant s’égarer dans un style trop acidulé, et on l’en remercie. Dans le rap il touche à tout et bien qu’il y soit solidement implanté, il ne se limite pas uniquement à cette étiquette et fait preuve d’ouverture d’esprit sur tous les bords. Si vous en voulez encore, voici le lien de mon premier article à son sujet ici.

Hatik 2021

Photo de presse Scopitone media

Hatik fait donc office de figure de proue du rap pour cette catégorie puisqu’il en est le seul représentant. Un poids lourd à porter quand on pense à celui que pèse le rap dans l’industrie musicale en France (le genre musical le plus écouté). Un honneur et une fierté également, dont il est bien conscient et content, comme il m’en fera part lors de notre bref échange :

Hatik

Dans l’interview Le code de Mehdi Maizi en juillet 2020 (disponible ici), tu dis avoir pour but final de vivre une vie tranquille en tant que personne lambda. Tu dis également que lorsqu’on obtient ce qu’on veut dans le milieu musical, on en veut toujours plus. Comment as-tu évité de tomber dans la spirale du jamais assez et pourquoi ne pas avoir envie de plus après un tel parcours ?

Hatik : Bien sur que j’ai envie de plus, d’avoir une carrière énorme mais aussi d’être plus en paix. C’est difficile de concilier les deux. C’est compliqué de répondre publiquement aux attentes et faire ce que tu veux vraiment. Équilibrer vie personnelle et carrière. Avoir les deux, faire les deux c’est se sentir bien. J’aime profondément la musique et j’aime profondément la vie, mais c’est dur de mener les deux en même temps.

Au delà des concerts, comment fais-tu face au Covid et est-ce que le nombre de streams ou d’écoutes de la musique et de ta musique sur les plateformes monte suite à la pandémie ?

H : Je pense que le Covid dans sa cruauté a fait en sorte que ma musique prenne un petit peu du niveau, de notoriété, de popularité parce qu’il y a eu la série, parce qu’il y a eu un grand coup de projecteur sur mon œuvre et que oui je ne vais pas en concert mais plus de gens m’écoutent. Alors voilà les chiffres c’est comme ça … Heureusement ! Ca veut dire qu’on peut vivre en dehors des concerts quand on est un artiste en tout cas pour ma part. Mais c’est vrai qu’il y a un lien fort entre le confinement et le fait d’être plus écouté pour moi parce que la situation est un peu exceptionnelle du fait d’avoir la série etc.

Tu t’engages régulièrement en solo ou avec d’autres artistes pour des causes diverses sur des morceaux comme Unité ici ou encore Combat quotidien ici pour les soignants, et à travers tes paroles. Pourquoi tiens-tu à profiter de ta notoriété pour soutenir des causes puisque tu as aussi le choix de ne pas te positionner ?

H : Parce que je pense que c’est le propre de l’artiste de faire ce qui lui tient à cœur et c’est compliqué pour moi de ne pas m’exprimer sur certaines situations, certaines injustices, quand je considère que ce sont des injustices. Donc quand j’en ai la possibilité, j’en parle. Je ne vais pas être le fervent supporter de toutes les causes humanistes de l’univers et y a des causes que je vais supporter dans le monde et d’autres sur lesquelles je vais parler et ça peut évoluer avec le temps et je ne me formalise pas, je ne m’impose rien. Si ça m’émeut, c’est que j’ai envie d’en parler, j’en parle à ce moment là en fait. C’est tout, c’est aussi simple que ça. Je ne me prends pas la tête. Y a des gens qui choisissent d’être silencieux en public et de faire des choses en privé, moi je suis peut-être un peu plus loquace en public, et voilà. Il n’y a pas de jugement de valeur à émettre sur les engagements des uns et des autres.

Sachant que le rap est le 1er genre musical écouté en France et qu’il est peu représenté par la cérémonie même si une ouverture se fait voir ces dernières années, qu’est-ce que ça représente pour toi les Victoires ?

H : Le fait que le rap ai une histoire compliquée avec les Victoires, je t’avoue que j’essaie de ne pas trop en tenir compte parce que j’ai la chance d’y être et que les mentalités changent, tant mieux, je tiens à le dire. Si demain je gagne la Révélation masculine des Victoires, ça voudra dire que le rap aura peut-être fait un pas, peut-être petit, peut-être grand, pour certains je ne sais pas en tout cas ce sera un pas vers un progrès et c’est ça que je retiens. C’est ça le plus important. Que le rap soit la musique la plus écoutée en France aujourd’hui c’est indéniable y a de la place pour toutes les musiques et y a de la place pour le rap. Et aujourd’hui, dans les révélations y a un rappeur, et c’est cool. Si par exemple ça n’avait pas été moi, que ça avait été quelqu’un d’autre, j’aurais été aussi content pour lui que je le suis pour moi. Maintenant si je gagne ou si je gagne pas j’ai eu la chance d’y être, et voilà, j’espère que ça va le faire ! Je ne vais pas être défaitiste, je viens quand même pour gagner quand je fais les choses.

Une fois l’interview et les remerciements terminés, la conférence commence, dans une salle plus grande ou des chaises sont disposées de façon à ce qu’un mètre les sépare toutes les unes des autres. Romain Vivien, le Président des Victoires de la Musique est présent, ainsi que d’autres têtes de son équipe et quelques sponsors.

Après quelques minutes de présentation de la cérémonie et quelques mots sur la situation culturelle face au Covid, on nous annonce les modifications apportées à la cérémonie officielle cette année. Certes elle aura lieu, le 12 février 2021 à la Seine Musicale, mais une jauge, ou un quota maximum de personnes autorisées à se produire est mis en place sans quoi il n’y aurait pas eu de 36ème édition.

  • Les catégories « Révélation » deviennent « Révélation Masculine » et « Révélation Féminine »
  • La catégorie « Concert » est évidemment et tristement supprimée cette année seulement ou du moins jusqu’à ce qu’un retour sur scène avec public soit possible
  • Une catégorie du « Titre le plus streamé » est ajoutée à cause du Covid et pour mieux représenter les musiques urbaines. Le titre Ne Reviens pas de Gradur featuring Heuss L’Enfoiré est nominé, grâce à ses 101 millions de Stream

On ne sait pas si un public sera autorisé lors de l’événement, au vu de l’instabilité de la période actuelle. La diffusion du live se fera sur France 2 et en audio sur France Inter à 21h05.

  • Le présentateur et la présentatrice seront cette fois-ci Stéphane Bern et Laury Thilleman
  • Le Président d’honneur sera Jean-Louis Aubert, qui est resté ces derniers mois très présent auprès de son public et qui a une carrière exceptionnelle

Le public peut voter à partir de maintenant jusqu’au 11 février 20h, pour les catégories « Chanson Originale » et « Création Audiovisuelle ».

Quant aux nominés, vous pouvez aller consulter sur le net la liste des heureux élus. Je peux déjà vous dire qu’Hatik en fait partie. Ce que l’on peut retenir des sélections de cette année c’est qu’elles sont plutôt variées et équilibrées, plutôt représentatives des divers genres écoutés en France, même si représentatives ne veut pas forcément dire proportionnelles. Sans oublier qu’il existe aussi Les Victoires de la Musique Classique et Les Victoires du Jazz.

Retour aux vitraux de la salle presse ou Yseult et Lous and the Yakuza (photo ci-dessous) enchaînent les interviews. Quand vient mon tour, c’est accompagné par deux autres journalistes que je peux échanger avec Lous. Chanteuse et mannequin belge, elle a sorti il n’y a pas si longtemps Gore, un magnifique album. Complet, expressif et merveilleux, aussi sombre dans ses paroles qu’illuminé par ses visuels et l’énergie de la jeune femme, je vous le recommande sans hésitation. Très calme, elle répond sagement et franchement à nos questions, dont deux des miennes.

Lous and the Yakuza Gore 2021

Photo de presse, crédit : Manuel Obadia Wills

Lous and the Yakuza

Tu es très attachée à tes origines, aux symboles, à la représentation et aux émotions, comment gères-tu toutes ces idées sans qu’elles te submergent ?

Lous : Ca me submerge de temps en temps. Je pense que ce sont les autres qui me submergent. Mon identité est souvent matière à conflit, parce que je suis mi-rwandaise mi-congolaise, ce sont deux peuples qui ont beaucoup de mal à s’entendre en tout cas politiquement. Parce que finalement d’un individu rwandais à un individu congolais il n’y a pas vraiment de haine, mais bon c’est toujours une question de politique. Je préfère toujours parler de paix et de réconciliation, mais c’est vrai qu’il y a beaucoup, même dans mes engagements en tout genre, des répercussions assez monstrueuses à cause d’internet parce que tout le monde peut dire ce qu’il veut derrière son téléphone. Mais quand c’est ça, Hmm ! On ne fait pas attention à ça. Moi j’essaie juste d’être vraie, d’être honnête. D’être ce que je suis. Quand on me dit que je suis attachée aux représentations et aux émotions et, aux symboles je ne pense pas à moi comme quelqu’un d’attaché aux symboles ou aux représentations, je suis juste moi. On essaie beaucoup je pense de représenter beaucoup de choses aujourd’hui, on est dans un moment où, tellement de choses ont été amputées, mais tout ce que vous voyez c’est juste moi. Sans plus de réflexion que ça.

A travers ta musique, tes paroles surtout, tu décris un monde en demi teinte, mauvais, cruel, difficile mais bon, joyeux et doux à la fois. Sont-ce deux choses que tu distingues ou vont–elles de paire ?

L : Ce sont deux choses que je distingue bien. C’est comme le soleil/la nuit, Dieu/Satan, ce sont deux choses bien opposées et dos à dos en fait. « Il n’y a qu’un pas entre l’amour et la haine » (impossible de retrouver l’auteur) c’est une vraie phrase. Je pense que la vengeance qu’on voit éclore partout sur Terre c’est toujours à partir d’une offense ou un des péchés basiques de l’humanité, de l’avidité, l’orgueil, l’égo, c’est toujours quelque part parce que quelqu’un a été blessé. Qu’il ait raison ou tort. Et je pense que ces choses là ne sont pas que dans ma musique, elles sont partout et ma musique n’est que le reflet de la réalité. Je pense que … Comme je dis souvent, si on veut que les artistes chantent autre chose, pour qu’on aie une autre vision du monde, il faudrait changer le monde. Et c’est là que j’essaie de faire un maximum de travail. Parce que ma musique ce sera toujours qu’un reflet de mon existence, que ce soit mon autobiographie, quelqu’un que j’ai vu, quelque chose que j’ai observé, ce sera toujours quelque chose qui est là. On se plaint souvent par exemple du vocabulaire des rappeurs, « Oui mais les gens de la cité etc … » On les dépeint toujours de cette façon mais pour que ça n’existe plus, si les gens voulaient vraiment que les choses changent ils changeraient la vraie vie. Une fois que la vraie vie change, plus personne ne va dire « J’te flingue ou j’bicrave de la … » Fin pfff … A partir du moment où on change la vérité, bah il aura juste l’air d’un mytho bizarre et puis il ne vas pas le faire. Le problème c’est que le monde va mal, donc les albums sont très obscurs. En tout cas pour ceux qui se concentrent sur la réalité de la vie. Et puis y a ceux qui rêvent aussi et ça fait du bien, les utopistes, les rêveurs on en a besoin. Et je pense qu’un artiste vacille entre hyper réalisme et le rêveur fou, utopiste.

L’actualité la plus récente d’Hatik est sanstitre. ici un très bon exemple de la qualité de sa plume et de l’efficacité de son débit, le tout illustré par un clip. Dans un registre plus apaisé, vous pouvez le retrouver sur 1,2,3 aux côtés d’Amel Bent ici. Un autre titre clipé d’Hatik est sorti : crashtest ici . Adieu mon Amour ici , est le titre pour lequel il est nominé.

Pour Lous, son superbe et tumultueux premier album Gore est toujours disponible sur toutes les plateformes possibles.

Sur ce, rendez-vous le 12 février devant vos écrans ou votre poste radio pour assister à la diffusion de cette grande cérémonie que sont Les Victoires de la Musique 2021 !