Entretien avec Nadeah

Nadeah-2015

Je vous en parlai dans mon précédent article : ce mois-ci est assez chargé. Mais au milieu des concerts/sessions/sorties du moment, il y avait un rendez-vous que j’attendais particulièrement, ma rencontre avec Nadeah.

Comme vous le savez (ça fait un moment que je suis son travail), je suis très curieux de découvrir son nouvel album et les dates qui vont s’en suivre, car Nadeah est avant tout une artiste de scène. À l’approche de son prochain concert à La Boule Noire le 29 octobre 2015, elle vient de dévoiler son nouveau single et son nouveau clip « Met A Man ».

C’est d’ailleurs à cette occasion que j’ai eu la chance de pouvoir échanger avec elle sur ce nouvel album et ses projets en cours. Adorable, elle a généreusement accepté de répondre à mes questions, en toute sincérité.

Votre album a été financé en partie par les internautes, quel est votre retour sur cette expérience ?

C’est énorme. J’y suis arrivé assez tard, mais tout le monde utilise ce moyen maintenant. Je pense que c’est une bonne idée, car les gens veulent faire partie de l’aventure et aider les artistes qu’ils aiment.

Vous souhaiteriez réitérer l’expérience pour le prochain album ?

Oui, même si je veux d’abord finir celui-là. Je voulais vraiment donner en échange, du coup j’ai proposé beaucoup de choses, comme les poèmes par exemple, mais il me reste encore une tonne de travail à faire. J’ai eu pas mal d’imprévus qui m’ont fait prendre du retard, mais c’est ma priorité en ce moment, j’ai tellement envie de tout donner. Demain je fais un concert privé pour les remercier et leur donner l’EP. C’est moi qui produis tout en ce moment, car mon tourneur (que j’adore) m’a dit « si tu sors le clip que t’as fait, je ne peux pas bosser avec toi ». Il était contre le clip, il trouvait ça trop chargé, trop choquant. Je veux prendre le risque, car je pense que les artistes doivent se battre pour leur travail. S’ils ne le font pas, qui va le faire ? Tu ne prends pas cette voie pour que la vie soit plus simple, tu la prends parce que tu n’as pas le choix. 

C’est différent de faire un album en France qu’en Angleterre ?

L’administratif ici, c’est très compliqué, il y a des bons côtés et des mauvais côtés. Pour payer le cachet d’un musicien par exemple, c’est très compliqué, il y a beaucoup de paperasse, il faut avoir une société, etc. En Angleterre c’est beaucoup plus simple. Mais grâce à la France, j’ai pu faire cet album et le prochain, je pourrai probablement le faire dans une chambre. D’ailleurs je suis en train d’enregistrer 2 nouvelles chansons avec très peu de budget et sans musicien. 

Il y a donc 2 titres exclusifs qui vont bientôt voir le jour ?

Oui c’est ça. Ils n’ont rien à voir avec l’album, mais c’est aussi l’avantage d’être un artiste indépendant, tu peux te permettre de ne pas penser comme une maison de disque. Je pense que si les gens aiment bien un titre, ils vont choisir d’écouter exclusivement ce titre, ils s’en foutent de savoir si ça colle avec l’album, y’a que les journalistes qui s’intéressent à ça, les gens eux, ne se concentrent que sur la chanson.

Être indépendant c’est un choix ou une nécessité ?

Je crois que quand j’ai signé avec une maison de disque à 21 ans, la pression était très dure pour moi, je n’arrivais pas à comprendre ce qu’ils voulaient, j’ai du faire 50 chansons et ils me disaient en permanence « ce n’est pas assez tube ». Je n’arrivai pas à comprendre ce qu’était un tube et j’avais l’impression d’être une vache à lait. Du coup quand on a fait The LoveGods après ça, on a décidé de faire des chansons de 9 minutes, on se foutait du format. Je me rappelle que la première fois que nos chansons ont été prises par Radio 1, ils ont pris une chanson de 5 minutes et demie et ont en on fait un edit. J’en ai pleuré. Mais si je ne la validais pas, il ne la passait pas. C’était très difficile, mais j’ai dit OK. Je suis prête à faire des concessions si je suis avec des gens qui ont l’esprit indépendant. Je ne veux pas être toute seule, j’aimerai bien avoir une équipe énorme avec qui je peux faire plein de trucs. Au final être indépendant je ne sais pas exactement ce que ça veut dire, mais je sais que je ne peux pas mentir sur les chansons parce que la maison de disque pense que ce que je fais n’est pas un tube. Déjà 1 : ils n’en savent rien et 2 : on ne peut pas savoir ce qui va toucher les gens. Il y en a qui m’écrivent pour me dire qu’ils ont écouté une de mes chansons il y a 15 ans et qu’elle les touche encore. Donc même si ça ne touche que 100 ou 200 personnes, cette chanson est valide, elle est importante. C’est ça l’art, on ne sait jamais ce que ça va apporter, mais ce n’est pas à l’artiste de penser à ça, son boulot c’est de chercher sa propre vérité selon moi.

Je vous ai vu plusieurs fois sur scène où je trouve que vos chansons sont vraiment sublimées.

Aujourd’hui, on enregistre avant la tournée, alors qu’à l’époque les artistes tournaient avant d’enregistrer. Chaque personne qui écoute imprègne la chanson, donne quelque chose et cela créer une richesse. Une chanson c’est un peu comme une graine, elle se nourrit des concerts, des rencontres, de tout ce qui se passe en tournée, etc. Ça évolue constamment, mais tu ne peux pas obtenir ça sur un enregistrement. J’adore le partage. Pour moi c’est là où la chanson est finie, quand je la fais écouter à quelqu’un d’autre. C’est à ce moment-là que la boucle est bouclée.

Comment élaborez-vous votre set list ?

On fait jamais de set list standard, j’utilise des bouts de papier sur lesquels je note les chansons, on les bouge, on fait des tests. J’ai une vingtaine de chansons, donc je ne peux pas toutes les jouer à chaque fois, mais je suis connue pour changer complètement la set liste sur scène. Je crois d’ailleurs que je ne suis jamais resté sur une set list dans ma vie. Ça se fait sur le moment, parfois je me trompe, mais j’essaie quand même. 

Vous avez passé une année assez compliquée sur le plan personnel, comment se passe le retour à la scène ?

C’est difficile. Je ne veux pas mentir. J’ai déjà annulé plusieurs dates comme tu le sais. Mais je suis curieuse de voir ce que je peux faire avec ça, parce que je ne veux pas tricher, ça ne m’intéresse pas. Je prends la réalité, celle qui m’appartient, celle qui appartient aux autres et j’utilise ça pour créer un échange. Si je triche, ça ne sert à rien, ça ne va rien apporter.

C’est un nouveau départ ?

C’est toujours un nouveau départ… En fait, je ne sais pas ce que c’est et c’est ça qui est bien. C’est quand on pense savoir que l’on refait toujours les mêmes choses, qu’il n’y a rien de nouveau. J’aimerai avoir le courage d’explorer un truc nouveau, même si ce n’est pas brillant, c’est ça qui est intéressant. C’est pour ça que je voulais sortir mon clip, même si je sais qu’une partie de mon public ne va pas apprécier.

Pourquoi ?

Je pense que les gens vont comprendre le sens de la vidéo. Je commence par le superficiel pour passer ensuite à la réalité de la vie. Avec Facebook, on triche plus que jamais, on cherche à attraper des likes, c’est la plus grosse addiction de notre époque. Je voulais bouleverser ça et montrer aussi que quand tu es une femme enceinte, les gens essaient de te draguer, mais dès qu’il voient ton ventre, ils ne savent pas comment réagir. Tu es là suite à des rapports sexuels, mais malgré tout, les gens ont du mal à te voir comme quelqu’un de sexuel et c’est très bizarre comme expérience.

C’est quoi votre meilleur souvenir sur scène ?

Y’en a tellement…Ces moments de silence où le public te permet de faire ton métier, c’est un vrai partage. Je me rappelle d’un concert où 7000 personnes sont restées en silence lors d’une chanson. À ce moment-là, tu sais qu’ils sont touchés et c’est incroyable. 

Le pire ?

Y’en a tellement aussi… (rires). Ces moments où tu veux que la salle t’avale tout de suite, alors que le temps s’étire. Je me rappelle d’une date au printemps de bourges où je ne sais pas pourquoi, mais je n’avais aucun contact avec le public. Je ne pouvais rien toucher de vrai, je sentais le jugement des journalistes… Ça ne s’anticipe pas. 

Vous écoutez quoi en ce moment ?

Foals, Radiohead (je suis accro à leur titre « House Of Cards »), Otis Reading… Plutôt de vieux trucs. Cette année j’ai bien aimé l’album de The Do aussi, je l’ai trouvé très intéressant.

Quelque chose à ajouter ?

J’ai besoin d’un tourneur qui veut défendre ce que je fais. Si vous connaissez quelqu’un que ça intéresse, qu’il me fasse signe !

Nadeah sera donc en concert à la Boule Noire le jeudi 29 octobre 2015. Vous pourrez découvrir son deuxième clip réalisé par Nicolas Bary en fin d’année, alors que son nouvel album devrait sortir début 2016. Stay Tuned 😉